D’abord suspendu, le compte Instagram «Le coin des LGBT+», 240 000 abonnés revendiqués, a été «définitivement supprimé» mardi. Voilà ce qui arrive, «quand tu oses débunker les mensonges des propagandistes pro-génocide sur @instagram», a réagi sur X (ex-Twitter) la personne anonyme qui tenait il y a quelques heures encore le compte à présent censuré.
Si «Le coin des LGBT+» avance masqué, ses prises de position sont on ne peut plus claires. Elles sont favorables à la gauche radicale type France insoumise, ainsi qu’à la cause palestinienne, d’où sa remarque sur les «propagandistes pro-génocide», sous-entendu de la population gazaouie. Est-ce suffisant pour se faire couper le sifflet sur Instagram, propriété, comme Facebook, de Meta, la société de Mark Zuckerberg?
«"C’est le lobby juif très puissant qui obtient tout ce qu’il veut": c’est sûr que certains diront ça, mais laissons-les à leurs idées nauséabondes. En ce qui me concerne, je ne verserai pas une larme sur la fermeture de ce compte créé par un individu gay qui mène un combat nuisant aux intérêts des personnes LGBT», commente Arnaud Abel, président de Fiertés citoyennes, une association LGBT+ se décrivant comme «militante et non-partisane».
La suppression du «Coin des LGBT+» sur Instagram a été précédée ces derniers jours d’attaques ad hominem, notamment contre le nouveau premier ministre français Gabriel Attal. A watson, n’ayant pas eu connaissance du compte Instagram du «Coin des LGBT +» avant sa fermeture, nous faisons l’hypothèse que ces attaques, menées sur X par le même compte, l’étaient aussi sur la plateforme qui a pris la décision de le supprimer.
Le 30 janvier, jour où Gabriel Attal prononçait sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, «Le coin des LGBT+», rebondissant sur la loi immigration (finalement largement censurée par le Conseil constitutionnel) lui faisait dire des mots qui n’étaient pas les siens: «L'homophobie, c'est fini! Les homos aussi peuvent faire passer des lois racistes!»
Le premier ministre disait en réalité:
Gabriel Attal : "L'homophobie, c'est fini ! Les homos aussi peuvent faire passer des lois racistes !" https://t.co/auwtHDfEh1
— Le coin des LGBT+ (@lecoindeslgbt) January 30, 2024
Plus récemment, «Le coin des LGBT+» s’en est pris à un influenceur gay franco-israélien du nom de Julien Bahloul. Etabli à Tel-Aviv, ayant quitté la France en raison d’un climat «antisémite», cet ancien porte-parole de l’armée israélienne soutient l’action militaire contre le Hamas à Gaza tout en se disant opposé à «l’extrême droite israélienne». Le 5 février, la dispute portant sur le mouvement «Queers for Palestine», «Le coin des LGBT+» écrivait, sur X, à l’endroit de Julien Bahloul:
Je préférerais toujours être un "Queer For Palestine" qu'un "Queer For Genocide". pic.twitter.com/9SHj9XxvEB
— Le coin des LGBT+ (@lecoindeslgbt) February 5, 2024
Joint par watson, Julien Bahloul déclare: «Je ne connaissais pas le compte Instagram du Coin des LGBT+, je suis bloqué par le compte Twitter depuis des années (bien que nous n'ayons pas eu le moindre échange ...).» Par ailleurs, il réitère son opposition au gouvernement israélien «contre lequel j'ai manifesté dans les mois précédant le déclenchement de la guerre».
Pour Arnaud Abel, de Fiertés citoyennes:
Sans doute peut-on parler de censure suite à la suppression du «Coin des LGBT+», quoi qu'on pense de ce compte anonyme au ton cynique à la limite de l'insulte. Le 24 décembre, Le Monde citait un rapport de l’ONG Human Rights Watch, lequel dénonçait «la censure des posts propalestiniens sur les réseaux sociaux de Meta», Facebook et Instagram, donc.
Au-delà de cette censure de fait, qui ne toucherait pas la partie pro-israélienne selon l'article du Monde, Arnaud Abel place le débat sur la «question de fond»: quelle place pour les LGBT dans la société? «Force est de constater qu'ils ne sont pas tolérés dans les sociétés où l’homosexualité est punie de prison, sinon de mort», rappelle-t-il.
Son association Fiertés citoyennes s’est signalée par une tribune parue le 27 octobre sur le site du magazine Marianne. Elle était intitulée:
«Lire sur des pancartes "Queers for Palestine" ou "LGBT + avec les Palestiniens" est un crachat fait à la face de toutes les victimes des LGBTphobies systémiques dans cette région», écrivait notamment Fiertés citoyennes.
watson a tenté, sans succès, de joindre le compte X du «Coin des LGBT+». Ce dernier a reçu le soutien du Responsable #LGBTI+ pour AmnestyFrance:
Depuis 5 ans, le @lecoindeslgbt participe grandement à la sensibilisation aux droits des personnes #LGBTI+ en France et dans le monde. 🌈✊️
— Sébastien Tüller (@SebastienTULLER) February 7, 2024
La décision d'@instagram de supprimer son compte d'intérêt général est véritablement une honte. ❌️@Meta : Reactivez son compte ‼️ pic.twitter.com/DBAgDXe1x0
La voix d'Amnesty France a-t-elle été entendue chez Meta? Mercredi, peu avant 23 heures, «Le coin des LGBT+» annonçait sur X que son compte Instagram avait finalement été rétabli. La pression exercée par ses soutiens, des militants se reconnaissant dans ses luttes, mais aussi des députés, affirme-t-il, a visiblement porté ses fruits. Le rescapé repartait aussitôt au combat, comme en témoigne ce tweet de 22h56:
Après avoir supprimé mon compte pour avoir critiqué l'instrumentalisation des luttes LGBT+ par Israël, Instagram a fait face à une pression imprévue et vient en conséquence d'annuler son jugement en appel qui avait conduit à la suppression définitive de mon compte ! pic.twitter.com/IZOCZIqNTs
— Le coin des LGBT+ (@lecoindeslgbt) February 7, 2024