Comment Israël accélère l’annexion de la Cisjordanie
Dimanche dernier, les autorités israéliennes ont annoncé l'installation de 19 nouvelles colonies en Cisjordanie occupée. Cela porte à 69 le nombre total des communautés de ce type autorisées par l'Etat hébreu au cours de ces trois dernières années, selon des chiffres officiels.
Cette annonce n'est que la dernière d'une longue liste. Si la colonisation illégale de la Cisjordanie s'est poursuivie sans interruption depuis 1967, elle s'est nettement intensifiée sous l'exécutif actuel. Depuis l'attaque terroriste du 7-Octobre 2023, écrit le New York Times, le gouvernement d'extrême droite a adopté une stratégie visant à étendre sa présence à travers ce territoire, le modifiant progressivement. Résultat:
La «stratégie» évoquée par le quotidien américain prend plusieurs formes, à commencer par la multiplication des communautés israéliennes établies en Cisjordanie, comme indiqué en début d'article. Les colonies approuvées par les autorités ne représentent, pourtant, que la pointe de l'iceberg.
Le nombre d'avant-postes explose
Toutes les colonies présentes en Cisjordanie ne sont pas autorisées par la loi israélienne. Lorsque ce n'est pas le cas, on parle d'avant-postes. Selon les données recueillies par l'ONG israélienne Peace Now, leur nombre a explosé au cours des trois dernières années: 75 avant-postes ont vu le jour rien qu'en 2025, 63 l'année d'avant, et 32 en 2023, contre cinq en 2022.
Parmi les 19 colonies annoncées dimanche, cinq sont, par ailleurs, des avant-postes qui existent déjà depuis plusieurs années, mais qui n'avaient pas encore obtenu les autorisations nécessaires. A noter qu'aux yeux du droit international, toute implantation israélienne en Cisjordanie est qualifiée d'illégale.
Au total, selon Peace Now, le nombre de communautés israéliennes établies en Cisjordanie, avec ou sans l'accord des autorités, se monte actuellement à 470.
De plus en plus d'attaques de colons
A cela s'ajoute la violence grandissante exercée par les colons à l'encontre de la population palestinienne. Ces attaques, «largement tolérées par l'armée israélienne», prennent la forme d'actes de harcèlement brutal, de passages à tabac, voire de meurtres, liste le New York Times.
Il arrive souvent que des colons incendient des voitures et des habitations, tuant parfois leurs occupants. Ces Israéliens s'en prennent également à la terre: pendant la cueillette des olives, ils tabassent les travailleurs, restreignent l'accès aux champs et arrachent des plantes.
Là encore, l'augmentation des cas enregistrés depuis le 7-Octobre est massive. Depuis le début de l'année, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU a recensé plus de 1700 attaques de colons ayant fait des victimes ou causé des dégâts matériels. Soit une moyenne de cinq incidents par jour.
Beaucoup de colons sont de jeunes extrémistes dont les opinions vont même au-delà de l'idéologie d'extrême droite du gouvernement, indique le New York Times. Bien qu'ils n'agissent généralement pas sur ordre direct des dirigeants militaires, ils savent que l'armée ferme souvent les yeux et facilite leurs actions.
Un bilan toujours plus lourd
Logiquement, le nombre de victimes prend l'ascenseur. Selon l'ONU, près de 2000 Palestiniens ont été tués par des Israéliens depuis 2010 en Cisjordanie – parmi eux, plus de 1200 lors des trois dernières années.
Les blessés se comptent par dizaines de milliers – près de 100 000 depuis 2010. Cette année, l'ONU a repéré 1100 cas: 772 individus ont été blessés par des colons, 327 par l'armée israélienne et 11 par les premiers ou la deuxième, la responsabilité n'ayant pu être clairement déterminée. Toujours en 2025, les morts s'élèvent à 236.
Villages démolis
La colonisation et les attaques s'accompagnent d'une augmentation drastique des saisies de terres par l'Etat et la démolition de villages, ajoute le New York Times. L'ONU a documenté la destruction de plus de 13 000 structures résidentielles ou liées aux services depuis 2010. Le rythme des démolitions, élevé depuis 15 ans, s'est nettement accéléré à partir de 2023 et dépasse désormais les 1000 cas par année.
Les démolitions sont généralement effectuées en raison de l'absence de permis délivrés par Israël, lesquels sont «pratiquement impossibles à obtenir», indique l'ONU. Dans d'autres cas, il s'agit de «démolitions punitives» ou «effectuées dans le cadre d'activités militaires».
Forcer les Palestiniens à partir
Ces démolitions forcent les Palestiniens à abandonner leurs terres, rapporte le New York Times. Depuis 2010, plus de 21 000 d'entre eux ont été déplacés, d'après l'ONU. Il arrive qu'une même personne ait été déplacée à plusieurs reprises, lorsque, par exemple, le logement qu'elle a construit après une première démolition est rasé à son tour.
Tout comme les démolitions, le nombre de Palestiniens déplacés n'a cessé de croître depuis l'attaque du Hamas. En 2024, année record, l'ONU a recensé plus de 4000 cas.
Saboter la solution à deux Etats
L'objectif de cet «accaparement de la terre» est clair, et les autorités israéliennes ne l'ont jamais caché. Le gouvernement a été transparent quant à sa mission, note le New York Times: «Saboter la solution à deux Etats et la perspective d'une nation israélienne et d'une nation palestinienne vivant côte à côte».
«Sur le terrain, nous bloquons l'établissement d'un Etat palestinien terroriste», a notamment affirmé ce dimanche le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, lui-même colon et partisan d'une annexion de la Cisjordanie. Il a ajouté:
En septembre dernier, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a qualifié de «suicide national» la création d'un Etat palestinien.
Environ 670 000 colons israéliens vivent dans ce territoire, dont 220 000 à Jérusalem-Est. La population palestinienne se monte à quelque 2,7 millions de personnes.
