Paris, dimanche 7 juillet à 19h30, Place de la République, haut lieu des manifestations de gauche. watson a donné rendez-vous à des élus romands qui ont fait le voyage jusqu'à la capitale française pour assister au résultat du deuxième tour des législatives françaises. Colin Vollmer, conseiller de ville à Delémont (JU) et Mathilde Mottet coprésidente des Femmes socialistes participent à cet événement pour le compte du média de gauche Eteicos. Ils nous rejoignent avec une mine inquiète.
La foule se forme peu à peu autour de la statue de la République, des banderoles «Nous sommes tous des immigrés» et «stop au génocide à Gaza» sont disposées sur le monument, les premiers manifestants se regroupent et sont interviewés par de nombreux journalistes étrangers.
L'inquiétude est palpable, les visages sont fermés et l'on attend fébrilement l'annonce des résultats. Colin Vollmer, conseiller de ville à Delémont et porte-parole Suisse latine du PS se prête aussi à l'interview, mais lorsqu'il évoque sa binationalité, il est submergé par l'émotion.
Colin Vollmer dit «connaître» les électeurs d'extrême droite, car une partie de sa famille qui vit dans un village francilien vote RN. «J'ai entendu des discours racistes tels que "les Arabes dehors", mais à l'époque, on ne considérait pas ces discours comme étant légitimes», il poursuit, «aujourd'hui avec la montée du RN, j'ai peur que ces personnes se sentent légitimées dans leurs pensées racistes». En effet, on ne peut nier que la déferlante RN lors du premier tour des législatives françaises a, en quelque sorte, libéré la parole raciste en France, mais la montée de l'extrême droite a-t-elle un impact sur la politique de notre pays? Pour Mathilde Mottet, il ne fait aucun doute.
Son collègue de parti pense que si la France bascule à l'extrême droite, «on assistera à une augmentation des discours racistes en Suisse».
Nous quittons brièvement nos élus PS romands pour glaner quelques impressions, notre regard croise celui de Karima, venue de Montreuil en banlieue parisienne. La trentenaire, accompagnée de son mari et d'un ami est très préoccupée, la crainte se lit sur son visage.
D'origine algérienne, cette architecte nous raconte avoir peur pour l'avenir de la France, pour ses amis étrangers, «pour ses parents qui ne pensaient jamais voir ce genre de chose». Alors que nous écoutons son récit, une clameur se répand sur la place de la République, cela ressemble à des cris de joie. Karima se fige et pleure sous le coup de l'émotion. Selim, son mari exulte:
L'euphorie et les cris de joie envahissent la place de la République. Soulagé, Selim nous explique que durant les trois dernières semaines, il n'avait pas beaucoup dormi, de peur de voir la société française «basculer dans l'obscurantisme». Le trentenaire ajoute qu'il est engagé avec sa femme dans un projet social en France et qu'il pensait qu'avec l'arrivée du RN, il serait impossible de le développer.
Revenue de ses émotions, Karima enlace son mari et son camarade Anthony qui a sorti pour l'occasion «son pull marxiste» sous les rires de ses amis. Nous les laissons à leur joie communicative et tentons de retrouver les Romands.
La foule s'est densifiée, il est de plus en plus difficile de se frayer un chemin. Des vendeurs à la sauvette traînent leurs caddies remplis de bières, un stand à couscous est apparu en quelques minutes dans la foule suscitant l'étonnement et les rires des jeunes aux alentours. Distribution de bières, ambiance bon enfant, la place de la République se transforme peu à peu en un lieu de fête👇🏽.
Colin Vollmer et Mathilde Mottet, eux, ne cachent pas leur soulagement: «C'est fou, on ne s'y attendait pas, cela montre que la gauche peut mobiliser et convaincre, et c'est un signe positif énorme.»
Nous demandons à la coprésidente des Femmes socialistes si ce n'est pas plutôt un vote «du moins pire» en lieu et place d'un vote d'adhésion pour le bloc de gauche. «Clairement pas», nous répond l'élue socialiste, «si cela avait été le cas, Macron aurait fait un meilleur score que le NFP» affirme Mathilde Mottet. Pour Colin Vollmer, c'est surtout le programme du NFP qui a «convaincu les électeurs et cela pour le meilleur».
Alors que la foule chante en chœur «Tout le monde emmerde le Front National» ou «Casse-toi Hanouna», en référence à l'animateur qui avait promis de quitter la France si le bloc de gauche remportait les législatifs, les conversations sur les prochaines étapes ont déjà commencé. Qui pour diriger ce nouveau gouvernement? Le groupe d'Emmanuel Macron fera-t-il des alliances? Sans majorité absolue, la France deviendra-t-elle ingouvernable? «La gauche devra, bien sûr, faire des compromis et surtout ne pas décevoir. Mais laissez-moi fêter ce moment, car ce soir, je suis fier d'être français», nous lance Colin Vollmer avec un sourire retrouvé.