Au Portugal, le parti populiste de droite Chega a fait une percée flamboyante aux dernières élections: de 1,5% en 2019, il a terminé à 18% en ce mois de mars. Une troisième place notable, même si loin derrière la formation de droite libérale Alliance démocratique (AD, 28,9%) et les socialistes (28%).
Chega (en portugais: Ça suffit!) et André Ventura, son président, se montrent très vocal sur la migration, l'islam et les minorités. Ils sont aussi critiques des mouvements LGBT et du genre, d'une politique sociale trop généreuse de la part de l'Etat et ont promis de serrer la vis sur le plan de la justice et du régalien. Ils ont massivement fait campagne sur la lutte contre la corruption des élites
Des arguments qui ont largement convaincu en Suisse. Avec 32,6% des votes, Chega est très clairement en pole position chez nous. C'est le seul pays en Europe, avec le Luxembourg, où il termine premier parmi les Portugais de l'étranger. Et c'est celui où le parti effectue son meilleur score. Même le Brésil, également lusophone et fortement influencé par Bolsonaro, plafonne à 24,6%.
Antonio Da Cunha, président de la Fédération des Associations portugaises de Suisse, reconnaît qu'il est surpris par l'étendue du vote:
Pour celui qui est aussi professeur honoraire de l'Université de Lausanne, «c'est avant tout un vote de protestation». A ses yeux, ce résultat est moins lié au programme de Chega qu'à la lassitude face aux partis traditionnels. «André Ventura a misé sur un discours de dénonciation de la politique traditionnelle ainsi que des affaires de corruption, qui ont marqué le pays ces dernières années avec une atmosphère médiatique très délétère.»
Il émet aussi l'hypothèse que ce vote est lié aux nombreux jeunes, formés à l'université et qui ne trouvent pas de débouchés au Portugal ou bien sont trop mal payés et viennent ensuite en Suisse pour de nouvelles perspectives. «C'est un choix le plus souvent très contraint. Ils partent avec un sentiment de frustration. Le Portugal n’a pu leur donner la place sur le marché du travail qu’ils attendaient et ils tournent le dos au pays et aux politiciens.»
Pour Antonio da Cunha, ces personnes ont trouvé ce qu'elles cherchaient en Suisse et ne comptent pas retourner au Portugal. Le projet de retour des premières générations s'est transformé en projet de séjour. «Il y a des gens qui disent: "Je ne retournerai pas au Portugal. Le pays, ça ne va pas!" Ce sont des gens qui sont révoltés par la situation.»
Celui qui a scruté les élections note aussi l'étonnante homogénéité du vote en Suisse. Les trois aires consulaires du pays — Genève, Berne et Zurich — ont toutes voté Chega à plus de 30%. On remarque toutefois que le taux d'abstention est plutôt haut: près de 66%. Au total, 16 200 personnes ont voté pour Chega alors que les Portugais de Suisse sont près de 258 000.
Si le professeur honoraire se dit quelque peu surpris pour les résultats à Berne et Zurich, il reconnaît que le résultat est cohérent à Genève, où le Mouvement citoyen genevois a une ligne proche du parti d'André Ventura: «Le MCG compte bon nombre de Portugais qui soutiennent les thèses xénophobes et les propos anti-frontaliers.» A l'image de Carlos Medeiros, un ancien membre du MCG siégeant au Grand conseil genevois qui a tenté sa chance au pays, avec Chega.