Le «Truman» enchaîne les couacs et piège le ministre de Trump
Trois avions de chasse perdus, une collision avec un cargo, un commandant relevé de ses fonctions – et désormais un rapport d’enquête qui ébranle la marine des Etats-Unis jusque dans ses fondations: lors de sa dernière mission en mer Rouge, l’«USS Harry S. Truman» a enchaîné les incidents à un niveau inédit. Selon les estimations d’experts, les dégâts cumulés s’élèvent à au moins 70 millions de dollars. Aucun membre d’équipage n’est mort.
Les conclusions rendues publiques à la fin de la semaine dernière montrent comment le porte-avions et son groupe d’escorte se sont disloqués à plusieurs reprises. De quoi interroger le niveau de préparation opérationnelle de l’US Navy.
1/x The Navy released its Command Investigation into several incidents that happened during the deployment of the USS Harry S. Truman in 2025. I'm just going to discuss the collision between the HST and the merchant vessel Besiktas-M https://t.co/ATt2gzKxpD pic.twitter.com/MRF6nWerFR
— Bart 🌊⚓️ (@BartGonnissen) December 6, 2025
La collision avec le cargo «Besiktas-M» (les images 👆), le 12 février 2025 près du port égyptien de Port-Saïd, apparaît comme l’épisode le plus lourd. Le rapport la qualifie d'«évitable» et affirme que l’équipe à la passerelle a «manqué à son devoir de naviguer en sécurité à proximité du navire marchand». La marine elle-même évoque un incident qui «aurait pu avoir des conséquences catastrophiques». Le commandant, le capitaine Dave Snowden, a peu après été démis de ses fonctions.
Une série de défaillances en quelques mois
Les autres incidents révèlent, eux aussi, un enchaînement de manquements structurels. En décembre 2024, le croiseur lance-missiles USS Gettysburg a abattu par erreur un F/A-18F du «Truman» (un autre navire américain), en raison d’une identification défaillante liée à un manque d’entraînements conjoints.
En avril 2025, un F/A-18E et son tracteur ont chuté du pont-hangar après une manœuvre d’évitement destinée à esquiver une attaque de missiles des rebelles houthis. La cause: une défaillance du système de freinage, aggravée par une communication insuffisante entre la passerelle, le pont d’envol et le contrôle du hangar. Le rapport évoque «un rythme opérationnel très soutenu et une situation de combat» ayant créé «un stress extrême».
Quelques semaines plus tard, le 6 mai, l’appontage d’un autre F/A-18F a échoué lorsque le quatrième brin d’arrêt s’est rompu, à cause d’un amortisseur défectueux et d’un «entretien insuffisant, d’un manque de personnel et des connaissances lacunaires», écrit la marine.
Le vice-amiral James Kilby affirme que la Navy doit tirer les bonnes leçons de ces échecs. Malgré des «circonstances difficiles», les équipages auraient néanmoins fait preuve de «professionnalisme et de disponibilité opérationnelle totale».
Un ancien cadet voit dans ce rapport la confirmation de ses propres expériences négatives et déclare sur X, à propos du niveau de formation:
C'est pour Pete Hegseth, le secrétaire à la Défense de Donald Trump, que le rapport pourrait avoir les conséquences les plus lourdes.
Soutenu par des commentateurs conservateurs comme Sebastian Gorka et Bo French, Pete Hegseth a exploité ces premiers incidents pour mener sa croisade contre la direction militaire jugée trop «woke» de l’ère Biden. A peine nommé, fin février, il a congédié l’amirale Lisa Franchetti, cheffe des opérations navales, deuxième femme seulement à diriger une branche opérationnelle des forces armées américaines.
Mais la série noire du «Harry S. Truman» ne s’est pas arrêtée là et pourrait désormais infliger un coup sévère à la carrière de Pete Hegseth. Dès la chute à la mer du F/A-18 en avril, des élus comme le sénateur démocrate Chris Murphy ont exigé sa démission immédiate. Entre-temps, l’affaire liée à la mort de trafiquants naufragés dans les Caraïbes a encore accentué la pression sur le ministre américain de la guerre.
