Poutine s’apprêterait à cibler son «ennemi numéro un en Europe»
«À Moscou, on estime avoir des chances réalistes d'étendre sa zone d'influence vers l'ouest (...) Pour atteindre cet objectif, la Russie n'hésitera pas, si nécessaire, à entrer en conflit militaire direct avec l'Otan», a déclaré Martin Jäger, le président du Service fédéral de renseignement (BND), auditionné par la commission de contrôle parlementaire, au Bundestag (la Chambre basse), à Berlin.
Cet avertissement intervient après la multiplication des incidents ces dernières semaines en Europe, telles l'incursion de drones russes en Pologne et la violation de l'espace aérien estonien par trois chasseurs russes. L'Allemagne a quant à elle été visée par des survols de drones, des sabotages en série ainsi que des campagnes de désinformation et d'influence, l'ombre de Moscou planant sur ces événements.
Une difficile adaptation
«Nous devons nous préparer à une nouvelle aggravation de la situation», a encore dit Martin Jäger. Sinan Selen, le président du renseignement intérieur allemand (BfV), également auditionné, a abondé dans son sens, notant que «la Russie poursuit de manière agressive ses ambitions politiques contre l'Allemagne, l'UE et ses alliés occidentaux», en usant d'un «large éventail d'activités d'espionnage, de désinformation, d'ingérence, de sabotage et de cyberattaques».
Selon Martin Jäger, l'Allemagne, la première économie de l'UE est «la cible numéro un de la Russie en Europe» d'autant plus qu'elle «joue un rôle de premier plan dans le soutien à l'Ukraine».
Face à l'aggravation de la menace russe depuis l'invasion de l'Ukraine, en février 2022, les services de renseignement allemands peinent à s'adapter. Une refonte de la législation les encadrant est prévue pour leur donner de meilleures capacités d'action. Le président de la commission, le député conservateur Marc Heinrichmann, a relevé que cette réforme devait être «une priorité» pour que les services puissent être plus opérationnels, tout en les appelant à prendre leurs responsabilités.
«Cette culture du retrait, du refus de la responsabilité, doit disparaître. Je ne pense pas que l’Allemagne soit faible, au contraire, nous avons beaucoup de potentiel. Il faut maintenant le mobiliser et surtout simplifier les processus», a-t-il insisté. Son adjoint, Konstantin von Notz, un député de l'opposition du parti des Verts, a pour sa part insisté sur la nécessité de mieux communiquer avec la société, pour qu'elle prenne conscience de l'ampleur du danger.
Citant l'exemple des sabotages de voies ferrées, les intrusions de drones ou encore les opérations d'influence en ligne, il a appelé à ce que «tout cela soit documenté et communiqué»: «Nous avons besoin d’un état des lieux mensuel des services de renseignement, pour que le public allemand sache où il en est», a-t-il martelé. (clp-alf/bds)
