Pour les Etats-Unis, la civilisation européenne est «menacée d'extinction»
Les négociations entre les Etats-Unis et la Russie sur une solution pacifique pour l'Ukraine semblent être dans l'impasse. Cependant, l'histoire récente a montré que le négociateur en chef américain Steve Witkoff et le gendre de Trump, Jarded Kushner, sont prêts à sacrifier l'Ukraine sur l'autel des intérêts économiques américains. Il n'est donc pas certain que Trump ne conclura pas un «accord» avec Vladimir Poutine, le président russe, en tentant d'imposer à l'Ukraine une paix dictée et désavantageuse.
Quelle que soit la forme que pourrait prendre une telle «solution», l'Europe y a un intérêt vital, mais n'est pas directement impliquée dans les discussions. Alors comment Trump envisage-t-il les futures relations entre les Etats-Unis et l'Europe? Dans un document de 29 pages, son équipe a esquissé la stratégie actuelle des Etats-Unis en matière de sécurité. Même si certains points restent flous, ce document devrait donner matière à réflexion aux responsables politiques européens.
La civilisation européenne, menacée d'extinction
Selon le document stratégique, les Etats-Unis se voient dans le rôle de facilitateurs de la «stabilité» entre l'Europe et la Russie. Cela implique également de prévenir le risque de guerre entre Russie et Etats européens. Le choix des mots est intéressant: l'Otan n'est absolument pas mentionnée dans cette réflexion, et les Etats-Unis ne promettent pas non plus de venir en aide à l'Europe en cas d'attaque russe.
Mais le ton change radicalement dans le même document lorsqu'il est question des revendications chinoises sur Taïwan. Selon cette stratégie, empêcher une guerre autour de Taïwan – principalement grâce à la supériorité militaire des Etats-Unis – est une priorité pour Washington. Et ce n'est pas tout: Trump veut contrer d'éventuelles attaques chinoises contre l'archipel qui s'étend du Japon à Taïwan et aux Philippines, jusqu'à l'extrême sud de la mer de Chine méridionale.
L'Europe, en revanche, ne peut plus compter explicitement sur le bouclier protecteur américain. Le vieux continent reste certes stratégique et culturellement vital pour les Etats-Unis, poursuit le rapport, mais l'Europe serait en train de se détruire elle-même. Non seulement parce que sa part dans la production économique mondiale est passée de 25% à 14% au cours des 35 dernières années, mais surtout parce que la civilisation européenne serait menacée d'«extinction». Selon le document stratégique, ce ne sont toutefois pas la Russie ou la Chine qui en sont responsables, mais avant tout l'UE elle-même.
La politique migratoire européenne modifierait ainsi le continent et favoriserait les troubles. Pour les Etats-Unis, si les développements actuels se poursuivaient, l'Europe serait méconnaissable d'ici 20 ans, voire moins. A long terme, ils estiment plus que plausible que, d'ici quelques décennies au plus tard, la population de certains pays membres de l'Otan soit majoritairement composée de non-Européens. A l'avenir, ces pays pourraient s'avérer être des alliés peu fiables des Etats-Unis. Ce n'est donc pas Washington qui serait responsable du fait que l'Otan n'existe plus que sur le papier, mais l'immigration vers l'Europe.
Les gouvernements contre la démocratie?
Les Etats-Unis considèrent, non sans raison, que l'une des plus grandes faiblesses du vieux continent est son manque de confiance en soi vis-à-vis de la Russie. Pourtant, l'Europe est largement supérieure à la Russie sur le plan militaire, sauf en matière d'armes nucléaires. Les Etats-Unis souhaitent une Europe forte et, avec les Européens, ils veulent empêcher qu'un pays hostile domine le vieux continent. Cependant, la stratégie de sécurité étasunienne considère que ce sont avant tout les Européens eux-mêmes qui ont le devoir de muscler leurs armées de manière à dissuader la Russie de les attaquer.
Dans ce contexte, le vif intérêt de Washington pour la paix en Ukraine semble contradictoire. Un traité de paix inspiré des idées russes n'apaiserait pas Moscou, mais l'encouragerait plutôt à mener d'autres campagnes militaires en Europe. Contrairement à toutes les preuves historiques, les Américains estiment que la paix est nécessaire pour stabiliser les économies européennes et empêcher une extension de la guerre.
En ce qui concerne la guerre en Ukraine, les Européens auraient en outre des attentes irréalistes. Une grande majorité d'Européens souhaiterait la paix, mais ce souhait ne se refléterait pas dans la politique, car les gouvernements européens saperaient les processus démocratiques. Cette dernière phrase pourrait tout aussi bien sortir de la bouche des représentants du Kremlin.
Idées fausses
Les tendances isolationnistes du gouvernement Trump se manifestent également fortement dans ses conceptions quant à l'avenir de «l'hémisphère occidental». On entend par là les Amériques, de l'Alaska au cap Horn au Chili, ainsi que certaines parties des océans Pacifique et Atlantique. Trump souhaite empêcher les ennemis des Etats-Unis de s'implanter dans cette immense région.
La nouvelle stratégie de sécurité est certes marquée par des perceptions déformées de l'Europe et de la Russie, mais les Européens feraient bien de se préparer et d'assumer enfin un rôle plus actif et plus indépendant des Etats-Unis dans la guerre en Ukraine.
Traduit de l'allemand
