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Poutine veut forcer les Russes à aller voter

Poutine vote pour lui lors des dernières élections, en 2018.
Poutine vote pour lui lors des dernières élections, en 2018.Image: EPA AFP POOL

Poutine veut forcer les Russes à aller voter et ça ne marche pas

Vladimir Poutine veut rester au pouvoir. Pour donner l'apparence d'une élection légitime, il a recours à diverses astuces.
08.03.2024, 06:0208.03.2024, 06:02
Marianne Max / t-online
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Dans une dizaine de jours, les Russes vont élire leur nouveau président. Pourtant, le nom du gagnant est d'ores et déjà connu: Vladimir Poutine devrait succéder à lui-même à la tête du pays, sauf surprise majeure. En 2021, il avait fait réécrire une loi qui lui assure un maintien au pouvoir jusqu'en 2036. Et il a fait arrêter ou exclure à l'avance les politiciens de l'opposition. Sa victoire semble donc assurée.

Le Kremlin tient néanmoins à donner l'impression que l'élection de Vladimir Poutine sera légale et légitime. Pour ce faire, la participation électorale devra être aussi élevée que possible. C'est ce qu'affirme le média indépendant Meduza, en se référant à l'administration présidentielle russe. La participation électorale devrait ainsi être de 70 à 80% cette année. Le chef du Kremlin souhaiterait même un taux encore plus élevé. Mais la population sait ce qu'il en est des élections dans son pays et, par conséquent, peu de gens veulent encore voter.

Deux fonctionnaires russes ont assuré à Meduza que l'administration présidentielle a recours à une astuce pour booster la participation. Cette méthode, qui aurait déjà été utilisée par le passé, est très simple: des employés du secteur public, des entreprises d'Etat et des sociétés loyales au gouvernement doivent inciter un certain nombre de personnes de leur entourage à voter.

Dix personnes à convaincre

Les membres du parti de Poutine, Russie Unie, devraient mobiliser le plus grand nombre d'amis et de membres de leur famille. Selon Meduza, ils doivent amener dix personnes au bureau de vote. Les employés de l'Etat en doivent amener trois, les employés des grandes entreprises, deux. Pour justifier cette décision, les responsables affirment que ces personnes jouissent de privilèges ou reçoivent de l'argent du fait du règne de Poutine. Elles sont donc «obligées d'aider l'Etat».

Une affiche électorale à Moscou, sur laquelle peut-on lire Russie, Poutine, 2024.
Une affiche électorale à Moscou, sur laquelle peut-on lire «Russie, Poutine, 2024».Image: EPA

Afin de vérifier que les membres du parti et les fonctionnaires respectent ces règles, les autorités ont mis en place un système de contrôle très serré. Meduza révèle qu'un député de Russie Unie doit communiquer à l'administration présidentielle, plusieurs semaines avant le scrutin, les noms et prénoms des personnes qu'il a mobilisées pour les élections. Leurs numéros de téléphone et leurs adresses mail doivent également être transmis. Ces données seraient ensuite numérisées et rassemblées dans des bases de données.

«Toutes les administrations régionales disposent de ces données et les prévisions de participation électorale se basent sur celles-ci»
Meduza

Dans les régions où le vote électronique existe, la participation aux élections serait contrôlée à l'aide de codes QR. «Les chefs de service les distribueraient à leurs subordonnés en leur disant: "Vous devez aller voter. Je suis responsable, de par ma position et mon supérieur, de votre participation aux élections"», décrit à Meduza une personne au courant du processus. Les personnes chargées de surveiller les élections doivent ensuite vérifier leur présence à l'aide des codes QR.

La guerre a changé la donne

Certes, certaines sources interrogées par Meduza critiquent le fait que les contrôles ne sont pas effectués de manière conséquente et qu'aucune sanction n'est prévue. Mais, selon une source interne, l'administration compterait surtout sur le fait que les gens croient qu'ils risquent des conséquences:

«Bien qu'il n'y ait pas de contrôle du tout à certains endroits, cela fonctionnera psychologiquement. Après tout, les gens ne savent pas vraiment si leur code sera contrôlé ou non, et préfèrent se comporter prudemment.»

Les observateurs occidentaux estiment que l'administration cherche à présenter l'élection comme parfaitement légitime et Poutine comme largement populaire. Le chef du Kremlin sauverait ainsi la face devant ses partisans et ses alliés.

Mais cette stratégie pourrait ne pas fonctionner cette année. Les subordonnés loyaux au Kremlin iront certes voter, comme les années précédentes. Pourtant, la mobilisation dans les entreprises se déroule mal, indique Meduza. «Les gens ne veulent pas voter», affirme une source au média.

Auparavant, le programme de mobilisation dans les entreprises fonctionnait parce que de nombreuses personnes avaient peur de perdre leur emploi. Mais avec la guerre en Ukraine, la donne a changé. «Maintenant, les travailleurs comprennent qu'il y a une pénurie sur le marché du travail, donc personne ne va les licencier pour avoir refusé de voter», explique la source. Une réponse très fréquente est désormais:

«Allez au diable! Je ne veux pas voter, alors qu'est-ce que vous allez faire de moi? Est-ce que vous allez travailler à ma place?»

Il n'est donc pas certain qu'un grand nombre de Russes se rendent aux urnes. Une autre source déclare toutefois à Meduza que cela ne sera probablement pas nécessaire. Le nombre d'observateurs électoraux, s'il y en a, est limité au minimum.

Le taux de participation en Russie indiqué par les autorités pourrait donc bien dépasser les 70 ou 80% lors des prochaines élections, quel que soit le nombre de citoyens qui sont réellement allés voter.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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