Pendant plusieurs décennies, dans plusieurs villes d'Angleterre, des groupes d'hommes, pour beaucoup d'origine pakistanaise, s'en sont pris à des filles et des jeunes filles, pour la plupart blanches et issues de milieux défavorisés. Plus de cent hommes ont été condamnés et le nombre des victimes est évalué, depuis les années 1990, à plusieurs milliers.
Mais les faits semblent se poursuivre. En 2023, environ 700 infractions liées à l'exploitation sexuelle d'enfants en bande organisée ont été enregistrées, selon un rapport indépendant sur ces «grooming gangs» (gangs de pédocriminels) commandé en janvier par le gouvernement et paru lundi.
La ministre de l'Intérieur Yvette Cooper a annoncé devant le Parlement une modification de la loi «pour garantir que les adultes qui ont des relations sexuelles avec pénétration avec un enfant de moins de 16 ans encourent une inculpation pour viol».
Le gouvernement veut aussi que les données ethniques et la nationalité des auteurs de violences sexuelles sur des enfants soient enregistrées.
La ministre travailliste a présenté «des excuses pleines et entières» aux victimes «pour la douleur et la souffrance inimaginables» qu'elles ont endurées ainsi que «pour l'échec des institutions de notre pays, pendant des décennies», à les «protéger».
«Des enfants âgées d'à peine 10 ans ont été droguées et alcoolisées, brutalement violées par des bandes d'hommes et honteusement abandonnées encore et encore par les autorités qui étaient censées les protéger et les mettre en sécurité», a rappelé Yvette Cooper.
Des forces de police ont identifié «des preuves évidentes de la surreprésentation de suspects d'origine asiatique et pakistanaise» dans ces affaires, a expliqué la ministre de l'Intérieur. Mais «des organisations ont évité ce sujet par crainte de paraître racistes ou de susciter des tensions communautaires», a critiqué la ministre.
Ce scandale des «grooming gangs» est revenu dans l'actualité début janvier, quand le milliardaire Elon Musk a accusé le Premier ministre Keir Starmer d'avoir laissé des «groupes de violeurs exploiter des jeunes filles impunément».
Cette affaire est régulièrement utilisée par l'extrême droite britannique pour dénoncer le laxisme des pouvoirs publics et une justice à deux vitesses.
Dans la seule ville de Rotherham, dans le nord de l'Angleterre, près de 1500 mineures ont été droguées, violées et sexuellement exploitées par un gang pendant seize ans, entre 1997 et 2013. Dans cette ville, près de deux tiers des pédocriminels «étaient d'origine pakistanaise et la majorité des filles étaient blanches», selon le rapport publié lundi.
Lundi toujours, trois hommes ont comparu en justice, accusés d'avoir violé une adolescente entre 2008 et 2010 à Rotherham. Et vendredi, sept autres ont été reconnus coupables des viols de deux jeunes filles de 13 ans qu'ils avaient transformées en esclaves sexuelles à Rochdale, une cité de la même région.
Pendant ce procès, le procureur a décrit les sévices subis par ces deux adolescentes cinq ans durant, entre 2001 et 2006. Elles étaient obligées d'avoir des rapports sexuels «avec plusieurs hommes le même jour», «dans des appartements vétustes, sur des matelas moisis» ou encore «dans des voitures, des parkings ou des entrepôts désaffectés». En échange, les hommes leur donnaient de la drogue, de l'alcool, des cigarettes.
L'une des deux jeunes filles, qui vivait dans un foyer pour enfants à l'époque, a raconté que les services sociaux, loin de la prendre au sérieux, l'avaient qualifiée de «prostituée».
Le Premier ministre Keir Starmer s'est finalement dit samedi favorable à une enquête nationale sur ces gangs, alors qu'il avait jusqu'à maintenant rejeté cette solution en préférant une série d'investigations locales.
Le ministère de l'Intérieur a par ailleurs annoncé dimanche le lancement d'une opération policière nationale en vue de retrouver des membres de gangs pédocriminels. Cette nouvelle opération permettra la réouverture d'enquêtes qui avaient précédemment fait l'objet d'un classement sans suite.
(ats/afp)