Quel est l'avenir du parti au pouvoir au Royaume-Uni? Après le retrait provisoire de Boris Johnson de la Chambre des communes, cette question a dominé tous les débats politiques de l'île ce week-end.
Alors que les partisans du premier ministre déchu s'alarment d'une guerre civile chez les conservateurs, les alliés du chef du gouvernement, Rishi Sunak, ont déclaré que le pays et le parti ne regretteraient pas «le drame». Le chef de l'opposition Keir Starmer a quant à lui appelé à de nouvelles élections immédiates: Sunak est «trop faible pour s'opposer aux tory-berserkers», a-t-il déclaré.
Vendredi soir, le monde politique a été surpris par l'annonce de l'ex-premier ministre: Johnson démissionne de son mandat avec effet immédiat. Pour rappel, la commission de l'intégrité du Parlement avait remis au politicien de 58 ans un projet de rapport concernant les fêtes de confinement à Downing Street.
Dans sa déclaration de démission, Johnson prétendait qu'une «chasse aux sorcières» était en cours contre lui, motivée par le désir de se venger du Brexit et de réviser le résultat du référendum populaire. Il affirmait que non seulement l'opposition, mais aussi des conservateurs étaient impliqués.
Dans les faits, cette déclaration était aussi fausse que de nombreuses autres communications de cet amuseur public. Selon les spécialistes politiques, Boris Johnson – habitué à la victoire – avait toujours réussi à éviter les confrontations lorsqu'il était menacé de défaite. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé en 2016 lors de la discussion sur la succession du chef de parti et de gouvernement, David Cameron, ainsi qu'à l'automne dernier après l'échec de Liz Truss.
Mais cette fois-ci, Johnson a devancé la révélation officielle selon laquelle il était un menteur avéré. Il semble que les sept membres du comité, dont quatre conservateurs, aient conclu que Johnson avait sciemment menti à la Chambre des communes. Cependant, cela n'aurait pas automatiquement entraîné son exclusion.
Au contraire, l'ensemble de la chambre parlementaire, où les conservateurs ont la majorité, devrait approuver toute sanction éventuelle. Si une suspension est décidée pour une durée de plus de dix jours, les électeurs sont libres de provoquer une élection partielle. Malgré le retrait de Johnson, le rapport du comité devrait être publié au cours de la semaine.
Avant même l'annonce de sa démission, Johnson avait déjà fait la une des journaux vendredi. Après de longues hésitations et plusieurs séries de vérifications, Downing Street a en effet publié les «honneurs de la démission» de celui qui a quitté ses fonctions en septembre. Selon la tradition politique de l'île, un premier ministre démissionnaire a le droit de conférer des distinctions, d'anoblir certains proches de longue date ou de leur offrir un siège à la Chambre des Lords.
Depuis des mois, le débat s'est concentré sur les noms de trois députés tory qui devraient être honorés par un anoblissement et une adhésion à la Chambre des Lords. Cette décision a suscité des inquiétudes, car les politiciens en exercice doivent normalement quitter leurs fonctions avant que la commission d'appel compétente puisse envisager de leur attribuer un nouveau titre.
La commission a donc refusé d'adouber le trio, raison pour laquelle l'ex-ministre de la Culture Nadine Dorries a démissionné de son mandat vendredi après-midi, furieuse. Après le retrait de Johnson lui-même, son confident Nigel Adams lui a emboîté le pas samedi. En revanche, l'ancien ministre de l'Economie Alok Sharma semble avoir provisoirement décidé de rester.
La nature empoisonnée des relations entre Sunak et Johnson est largement suivie par les médias londoniens depuis leur altercation. Altercation pendant laquelle les deux hommes se seraient chamaillés au sujet tendu des «honneurs de démission».
Il semble que l'homme animé par sa propre force de persuasion croyait avoir quitté la conversation avec une promesse. C'est ce que racontent aujourd'hui ses partisans, qui accusent Sunak de duplicité, voire d'«escroquerie sans honneur». En revanche, Downing Street affirme, en se basant sur le protocole, qu'il n'y a eu aucune promesse. «Toutes les allégations contraires sont catégoriquement fausses», atteste le gouvernement.
Sunak ne semble pas vouloir aller plus loin. Pourtant, il pourrait bien vaincre son prédécesseur dans une bataille ouverte. C'est en tout cas ce qu'indique un sondage flash de la société YouGov:
«Il est temps pour les conservateurs de laisser Johnson derrière eux», résume Paul Goodman, rédacteur en chef du très influent site Internet Conservative Home.
En revanche, l'ex-ministre Jacob Rees-Mogg, honoré par Johnson d'une accolade, met en garde son parti contre le fait de laisser de côté le crieur public du Brexit, ce qui entraînerait «une guerre civile». Si la présidence du parti devait être vacante, une façon polie de décrire la défaite électorale cuisante attendue, après laquelle Sunak devrait démissionner, Johnson aurait «la pole position» pour lui succéder.
Les trois élections partielles prévues devraient avoir lieu avant les vacances d'été. Dans la circonscription londonienne d'Uxbridge, à l'ouest de Londres, la perte du mandat de Johnson au profit de l'opposition est considérée comme acquise.
Traduit et adapté par Nicolas Varin