Alors que la Suisse débat encore du coût de ses futurs avions de combat F-35, le Royaume-Uni voit plus grand. En marge du sommet de l’Otan à La Haye, le Premier ministre Keir Starmer a annoncé l’acquisition de douze des bombardiers nucléaires F-35A, fabriqués par l'entreprise américaine Lockheed Martin.
Estimés à environ 80 millions de dollars l’unité, ces appareils feront partie d’une commande de longue date de 138 F-35. La nouveauté est qu’une douzaine d’entre eux seront équipés pour transporter des armes atomiques.
Le Royaume-Uni rejoint ainsi le groupe d'Etats membres de l’Otan qui mettent à disposition de l’Alliance des avions de combat à double usage, soit la Belgique, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et la Turquie. Les F-35A seront équipés de bombes de type B61-12, dont la puissance est trois fois supérieure à celle de la bombe d’Hiroshima. Dans une «époque marquée par une radicale incertitude», son gouvernement se doit d’investir davantage dans la sécurité nationale, a justifié le chef de l’exécutif.
Le Royaume-Uni ne possédait jusqu’ici que des armes nucléaires stratégiques, contrairement à ses alliés de l’Otan, comme les Etats-Unis et la France, et d'autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU tels que la Chine et la Russie. Les têtes nucléaires britanniques sont embarquées à bord de quatre sous-marins Vanguard, dont l'un est en permanence en patrouille sur les mers du globe.
En cas de conflit, ces sous-marins peuvent lancer des missiles Trident américains, capables de frapper des cibles dans un rayon de 11 000 kilomètres. La fabrication et l’entretien de ces missiles sont aux mains des Etats-Unis, mais la décision de les déclencher relève, selon Londres, uniquement du Premier ministre britannique.
A la fin de la guerre froide, la Royal Air Force (RAF) avait retiré du service ses avions capables de transporter l’arme nucléaire. Parmi les trois types de bombardiers, Victor, Valiant et Vulcan, c’est surtout ce dernier qui a marqué les esprits, grâce au film James Bond: Opération Tonnerre.
Aujourd’hui, les avions de Lockheed sont très prisés des pilotes britanniques. La RAF exploite déjà des F-35B, conçus pour décoller et atterrir sur de courtes pistes, ce qui les rend compatibles avec les porte-avions britanniques HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales. Les futurs F-35A seront stationnés sur la base aérienne de Marham, dans le comté de Norfolk, à l’est de l’Angleterre.
Le renforcement de la dissuasion nucléaire britannique avait déjà été évoqué au début du mois, lorsque Keir Starmer et son ministre de la Défense, John Healey, avaient présenté la nouvelle stratégie de défense du Royaume-Uni.
Les auteurs de cette «Revue stratégique de défense» avaient fait référence à plusieurs reprises à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ainsi qu’aux menaces persistantes du président russe Vladimir Poutine concernant l’usage d’armes nucléaires tactiques. Le document qualifiait la Russie de «menace immédiate et urgente».
En renforçant la dissuasion collective de l’Otan, le gouvernement travailliste fait un nouveau pas vers ses alliés d’Europe continentale. Keir Starmer ne cesse de souligner l’importance du Royaume-Uni pour la capacité de défense de l’Alliance atlantique, et inversement. Il déclare d'ailleurs régulièrement que:
Le projet d’acquisition suscite un accueil plutôt favorable parmi les spécialistes de l’aéronautique. La version «A» du F-35 facilite l’entraînement et le rend plus efficace, grâce à une autonomie de vol plus longue, analyse Sophy Antrobus, du Freeman Air and Space Institute du King’s College de Londres. Selon cette ancienne pilote de chasse, l’option d’un armement nucléaire tactique offrirait au Royaume-Uni «un niveau supplémentaire» à sa dissuasion nucléaire, comme elle l'a expliqué à CH Media.
En fonction de leur date de mise en service, les F-35 pourraient rester opérationnels jusqu’aux années 2060. En parallèle, le ministère britannique de la Défense poursuit le développement du futur avion de chasse Tempest.
Ce projet de chasseur furtif, qui pourra transporter des essaims de drones, est porté par un consortium réunissant la société d’armement britanno-américaine BAE Systems, le spécialiste des missiles MBDA UK, le groupe italien Leonardo et le géant industriel japonais Mitsubishi. L’accord officialisant cette entreprise commune devrait être conclu avant la fin de l’année.
Traduit de l'allemand par Joel Espi