Le départ de cargos chargés de céréales ukrainiennes, au centre d'un enjeu mondial de sécurité alimentaire, a été suspendu mardi soir après que Vladimir Poutine a exigé des garanties que ce couloir de navigation ne sera pas utilisé pour attaquer la flotte russe, en pleine guerre contre l'Ukraine.
La Russie a lancé lundi une vague de frappes massives de missiles de croisière sur Kiev et les infrastructures civiles du pays, et annoncé dès samedi se retirer de l'accord qui permettait l'exportation des millions de tonnes de céréales ukrainiennes via le Bosphore.
A l'unisson des alliés occidentaux et des Nations unies, le président français Emmanuel Macron a dénoncé mardi «une décision unilatérale de la Russie qui nuit de nouveau à la sécurité alimentaire mondiale», à l'issue d'un entretien avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky:
Dans la journée, le président Erdogan, qui a usé de ses liens préservés tant avec Moscou qu'avec Kiev pour se placer en garant, avec l'ONU, de l'accord de juillet sur l'exportation des céréales ukrainiennes - notamment à destination du monde musulman et africain - s'était dit «confiant» sur les chances de parvenir à une solution, après un entretien avec Vladimir Poutine.
Mais le Kremlin a refroidi ces espoirs en annonçant de son côté que l'accord ne pourrait reprendre effet que si Kiev présentait des «garanties réelles (...) que le corridor humanitaire ne sera pas utilisé à des fins militaires».
En conséquence, le Centre de coordination conjointe (JCC) basé en Turquie et chargé de l'application de l'accord en mer Noire a annoncé mardi soir la suspension de tous les mouvements de cargos mercredi:
La Russie avait mis en garde lundi contre le «danger» qu'encoureraient les cargos poursuivant sans son accord la navigation dans le couloir menant des ports ukrainiens au Bosphore, et vers la Méditerranée.
Sur le terrain militaire, alors que c'est au sud, dans la région de Kherson, que les forces russes attendent depuis des semaines le lancement d'une attaque ukrainienne massive, un début de contre-offensive ukrainienne se dessinait sur le front est, plus au nord, ont déclaré mardi à l'AFP des soldats engagés sur ce secteur, confirmant des déclarations des autorités ukrainiennes.
«La tendance est bonne, effectivement de notre côté, la ligne de front a avancé vite et bien», a confirmé, depuis une position du village de Zarichne, un officier des forces spéciales de l'armée ukrainienne, au nom de code «Iva», en opération sur ce front.
A Kiev, après des frappes destructrices lundi, l'approvisionnement en eau et en électricité a été rétabli mardi, alors que près de 80% des habitants de la capitale se trouvaient sans eau et 350 000 foyers sans courant.
La Russie multiplie depuis début octobre les frappes de drones et de missiles contre les systèmes d'eau et d'électricité des villes ukrainiennes.
Les sirènes anti-aériennes ont de nouveau retenti dans la ville dans la matinée. Selon l'armée ukrainienne, la Russie a lancé lundi 55 missiles de croisière, 22 missiles anti-aériens S-300 et des drones de combat pour une vague de frappes à travers le pays.
Alors que Moscou et Téhéran continuent de nier des livraisons de drones de combat iraniens à l'armée russe, les Etats-Unis se sont dits mardi «préoccupés» par la potentielle livraison cette fois de missiles sol-sol iraniens, devant compléter les stocks déclinant de la Russie.
Les autorités d'occupation russe de la région de Kherson, au sud, ont de leur côté annoncé de nouvelles évacuations, par milliers, d'habitants de cette zone vers l'est, après avoir transféré près de 70 000 personnes la semaine dernière.
L'Ukraine dénonce ces évacuations comme une «déportation» des habitants. Ailleurs sur le front, la présidence ukrainienne a rapporté des attaques russes de drones dans les régions de Poltava et Dnipropetrovsk, dans le centre du pays, et de missiles sur plusieurs autres localités.
A Bakhmout, l'un des points chauds du front dans l'est de l'Ukraine, les journalistes de l'AFP ont constaté des tirs d'artillerie alors que les combats pour cette ville sans grande valeur stratégique font rage depuis plus de quatre mois.
«C'est la guerre totale. Totale, car nous utilisons tout», a dit le sergent au nom de guerre «Petrokha», décrivant une intensité de feu inédite depuis la Deuxième Guerre mondiale. (ats/jch)