Les choses se passent très mal pour Vladimir Poutine dans sa guerre contre l'Ukraine. Le Moskva, son principal navire de guerre en mer Noire, a coulé, vraisemblablement suite à une attaque ukrainienne. Viktor Medvedtchouk, son allié ukrainien le plus puissant, a été capturé. Et la CIA, agence américaine de renseignement extérieur, prévient que Poutine pourrait bien recourir aux «armes nucléaires tactiques», car il ne verra bientôt plus d'autre issue.
Mais face à son public national, le maître du Kremlin donne une tout autre image de la «réalité» en Ukraine. C'est ce que démontre un nouveau document officiel contenant des prescriptions sur la manière dont les autorités étatiques doivent expliquer à leurs collaborateurs ce qui se passe en Ukraine. Dans la lettre de 15 pages, publiée par la journaliste russe Natalia Sindeïeva, on peut lire:
Le document officiel donne un rare aperçu du monde parallèle troublant que Poutine et ses acolytes ont construit à partir d'une dangereuse montagne de mensonges. Il montre également les théories de la conspiration les plus crues que le régime de Moscou a élaborées pour justifier sa guerre d'agression contre l'Ukraine.
L'Ukraine serait une plate-forme contrôlée par l'Amérique qui détruirait la Russie avec des armes biologiques, peut-on lire dans le document. Les auteurs affirment que des laboratoires spécialisés mènent des expériences sur des agents pathogènes «à effet ethnique sélectif». Les Etats-Unis développeraient, en Ukraine, des armes biologiques qui ne pourraient nuire qu'aux «personnes de nationalité slave».
A cela s'ajouteraient les «provocations venant des nazis dans les installations nucléaires», qui prouveraient que le «régime de Kiev» est prêt à «utiliser des armes de destruction massive».
Les auteurs de l'article ont utilisé le fait que l'Ukraine a récemment interdit l'importation de livres russes dans le pays comme preuve de leur fantaisie. La même tactique d'isolement aurait déjà été utilisée par les nazis en Allemagne.
La Russie serait intervenue pour stopper le «génocide dans le Donbass», peut-on encore lire dans le document. Car, «en dehors de la Russie, il n'y a personne pour protéger ces gens». Il en va de même pour la ville de Marioupol, où la Russie «mène une action humanitaire sans précédent». Poutine, «l'homme qui a le courage de s'engager pour nous tous», a tenté de négocier avec l'Occident. «Mais en réponse à chaque offre, la Russie a été prise dans un étau.»
De telles publications officielles, destinées à aligner la société russe avec la pensée du Kremlin, sont presque devenues une coutume en Russie. Encore récemment, les écoles du pays ont reçu un manuel contenant des prescriptions détaillées sur la manière dont les enseignants doivent «rendre compte des événements en Ukraine». La guerre y est transformée en une «mission de maintien de la paix» visant à «démilitariser et à dénazifier» le régime de Kiev. Il faut faire comprendre à tous les élèves de la neuvième à la onzième année la nécessité de l'invasion russe:
Les voix critiques qui luttent contre la propagande du Kremlin ne trouvent plus de plate-forme en Russie. Twitter, Facebook et Instagram sont bloqués. Moscou sévit contre les médias d'opposition.
Mais la réalité de la guerre en Ukraine ne correspond pas au scénario tordu du Kremlin. Le Vendredi Saint, les autorités ukrainiennes ont annoncé que plus de 20 000 soldats russes avaient été tués au cours des 50 premiers jours de guerre. Les «héros» et les «professionnels» n'en faisaient guère partie.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder