Au cours des dernières semaines, une trentaine d'incendies criminels ont été commis contre des bureaux de recrutement et des commissariats militaires dans toute la Russie. Cette mystérieuse série d'attaques cache néanmoins quelque chose d'étonnant, les assaillants sont russes.
En effet, plus de la moitié d'entre eux serait des Russes de plus de 50 ans, dont de nombreuses femmes. Aucun des suspects n'aurait officiellement une position anti-guerre. Mais une autre raison pourrait expliquer leurs actes. Selon le média russe Meduza, ces seniors auraient été victimes d'escroquerie téléphonique.
Selon les informations du média russe, les auteurs des incendies auraient été contactés par des inconnus et incités, sous divers prétextes, à lancer des cocktails Molotov sur les installations militaires. Pour s'assurer que ces attaques soient bien perpétrées, les escrocs ont notamment menacé les proches des victimes ou fait état d'un risque de pertes de grosses sommes d'argent.
Dans certains cas, les escrocs sont parvenus à convaincre leurs victimes que les bureaux militaires russes œuvraient clandestinement en faveur de l'Ukraine, justifiant ainsi la nécessité d'une attaque pour les neutraliser.
Fin juillet, un cas d'incendie volontaire avait été rendu public et avait suscité de nombreuses interrogations. Une enseignante de 51 ans avait tenté de mettre le feu à un bureau de recrutement russe à Feodosia, sur la péninsule de Crimée annexée par la Russie. Si les autorités russes ont d'abord pensé qu'il s'agissait d'une action de protestation contre la guerre, il s'est avéré que ce n'était pas du tout le cas. Au contraire, la femme, en compagnie de son époux, avait même récolté de l'argent pour «l'aide humanitaire aux soldats russes».
Selon une information apparue sur Telegram peu après les faits, la femme en question aurait suivi les instructions reçues par les escrocs. A la suite de cette première révélation, les signalements de cas similaires se sont multipliés. A l'heure actuelle, on dénombre au moins 28 attaques qui semblent toutes suivre un schéma identique.
Selon Meduza, une femme de 62 ans originaire de Kazan, dans le sud-ouest de la Russie, aurait révélé, après avoir perpétré son attentat contre un bureau militaire, que les personnes l'ayant contactée se seraient présentées comme des membres des services de renseignement. Ils auraient menacé de créer des «problèmes» à sa fille si elle ne suivait pas les instructions.
Selon plusieurs sources, il semblerait que le plus âgé des individus responsables des incendies soit une dame âgée de 82 ans. Elle aurait été appréhendée alors qu'elle se rendait dans un bureau de conscription à Volgograd, dans l'est du pays, en possession d'un cocktail Molotov et d'un téléphone portable, avant d'avoir pu commettre son acte.
Toutefois, ce ne sont pas uniquement les retraités russes qui sont victimes de cette escroquerie. Il est également rapporté que deux femmes, âgées de 30 et 23 ans, auraient orchestré des incendies criminels visant des bureaux de conscription à Kazan. Dans la ville d'Omsk, en Sibérie, un étudiant âgé de 21 ans aurait mis le feu au commissariat militaire. Dans ces cas également, les motivations ne semblent pas être liées à la guerre en Ukraine. Selon les enquêtes menées par Meduza, aucun signe pouvant laisser penser que les suspects sont opposés à la guerre n'a été trouvé.
Le Kremlin ne s'est pas encore exprimé sur ces événements. Toutefois, il convient de rappeler que ce n'est pas la première fois que cette méthode d'escroquerie est observée. En effet, dès le mois d'avril, le service de renseignement intérieur russe, le FSB, a fait part de sa connaissance de 16 cas d'incendies criminels liés à des escroqueries téléphoniques. A cette époque, le FSB avait affirmé que les appels avaient «dans la plupart des cas» pour origine le territoire ukrainien. Cette déclaration n'a en revanche pas encore été corroborée de manière indépendante.
Quant aux responsables des incendies, ils font actuellement l'objet de poursuites judiciaires. Selon le média indépendant russe Mediazone, au moins sept personnes sont accusées de «destruction ou de dégradation intentionnelle de biens». Elles encourent jusqu'à cinq ans de prison. Deux autres personnes sont accusées de hooliganisme et risquent jusqu'à huit ans de prison. Deux hommes font également l'objet d'une enquête pour acte terroriste, mais on ne sait pas si ces derniers sont liés aux autres incendies criminels.
(fho)
Traduit et adapté par Nicolas Varin