Parmi tous ses alliés qui auraient pu lui faire un coup dans le dos, Vladimir Poutine ne s'attendait certainement pas à celui-ci. La Corée au Nord aurait cyberattaqué l'entreprise russe NPO Mashinostroyeniya, un des principaux fabricants de missiles de Moscou. C'est en tout cas ce qu'ont indiqué des experts en sécurité américains à Reuters.
Les attaques auraient commencé dès 2021 et auraient duré plusieurs mois. Les pirates se seraient introduits dans l'infrastructure informatique de NPO Mashinostroyeniya. L'histoire a été révélée lorsqu'un employé de l'entreprise a rapporté l'incident sur un portail de cybersécurité, publiant des documents internes à l'entreprise. Reuters a fait examiner les documents par des experts. Ceux-ci estiment que les documents sont authentiques.
Et ce n'est pas n'importe quelle entreprise. NPO Mashinostroyeniya est leader dans la construction d'équipements militaires avancés. Fondée en 1994, son bureau se trouve à Reutov, dans la banlieue de Moscou.
Il s'agit d'un des éléments les plus importants de l'industrie des missiles de Poutine, qui développe les derniers modèles. Selon Reuters, l'entreprise joue un rôle essentiel dans le développement des missiles hypersoniques russes de type Zirkon.
Selon Reuters, les pirates auraient pu lire les e-mails du fabricant de missiles et auraient également eu accès à des données. L'attaque a finalement été découverte par le service informatique de l'entreprise.
L'entreprise de sécurité informatique Sentinel One s'est intéressée à l'affaire et a examiné les documents téléchargés par l'employé. Les experts ont trouvé des indices permettant d'attribuer le piratage à deux groupes nord-coréens: Lazarus et Scarcruft.
Les pirates de Lazarus sont notamment responsables de l'attaque des serveurs de l'entreprise japonaise Sony. On ne sait pas exactement comment ils s'y sont pris. Des logiciels utilisés par les groupes lors d'attaques précédentes auraient été trouvés. Les informations connues à ce jour ne permettent pas de savoir si des données ont été volées ni dans quelle mesure.
D'après l'expert en missiles Markus Schiller, les données du fabricant russe ne permettent certes pas d'aider à la construction d'un missile nucléaire. Toutefois, «ils peuvent apprendre beaucoup de choses», a déclaré le spécialiste. La Corée du Nord travaille en effet depuis de nombreuses années au développement de missiles balistiques et les teste malgré les sanctions de l'ONU. Le pays dispose de plusieurs d'entre elles, selon les experts du domaine, et menace de les utiliser, «pour sa défense nationale».
Les hackers nord-coréens pourraient également s'être intéressés à un système permettant de remplir les fusées de carburant plus rapidement et bien avant le lancement, ce qui permettrait une préparation au tir plus rapidement en cas d'engagement nucléaire. La Corée du Nord avait annoncé fin 2021 être intéressée dans le développement de cette technique.
Comment Poutine va-t-il réagir face à ces révélations? La Corée du Nord est en effet alliée de Moscou. Dernièrement, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou s'est rendu à Pyongyang pour participer à un défilé militaire.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)