Alexandre Loukachenko a apporté à son hôte un grand bouquet de tulipes rouges à l'aéroport. Pendant des années, Vladimir Poutine ne s'est plus rendu à Minsk, c'était Loukachenko qui faisait toujours le déplacement. Il s'est rendu à Moscou, Saint-Pétersbourg et Sotchi pour y présenter ses requêtes comme un écolier. Mais aujourd'hui, c'est bien Poutine en personne qui se trouve sur l'aérodrome de Minsk.
Pendant ce temps, d'autres grands responsables politiques du Kremlin sont déjà arrivés à Minsk. Sergueï Lavrov a rencontré son nouveau collègue biélorusse Sergueï Aleïnik au ministère des Affaires étrangères. Ce dernier remplace le ministre des Affaires étrangères de longue date Vladimir Makeï décédé récemment dans des circonstances mystérieuses.
Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou est également arrivé séparément à bord d'un autre avion gouvernemental russe pour rencontrer son ami officiel Viktor Khrenin à Minsk.
Le Kremlin se défend de vouloir discuter d'une invasion commune de l'Ukraine par les deux armées depuis le nord, comme le craignaient certains observateurs à Kiev. «Ce sont des affirmations particulièrement stupides», a déclaré le porte-parole de Poutine Dmitri Peskov en amont des discussions de Minsk.
En effet, officiellement, les discussions entre Poutine et Loukachenko ne portent «que» sur l'«Etat de l'Union Biélorussie-Russie», qui ne bouge pas depuis 1996. Depuis 2019, Moscou insiste sur la mise en œuvre pratique des traités les plus divers.
Les élections présidentielles falsifiées et les protestations post-électorales qui ont duré des semaines en août 2020 avaient brusquement donné au Kremlin un nouveau moyen de pression. Car Loukachenko n'a pu réprimer les protestations qu'avec l'aide de la Russie.
Lundi, pas moins de 1437 prisonniers politiques étaient détenus dans les camps de travail de type goulag de Loukachenko pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression en 2020/21. Une partie d'entre eux ont été arrêtés en Russie alors qu'ils tentaient de s'échapper et ont été immédiatement extradés.
Officiellement, les discussions sur les foyers de conflit dans le monde, en particulier sur l'Ukraine, ne devraient être qu'un sujet secondaire. La deuxième visite à Minsk du ministre russe de la Défense Choïgou en décembre dernier prouve que ce n'est pas le cas. Le contrôle de l'état de préparation au combat de son armée de 62 000 soldats professionnels, ordonné soudainement par Loukachenko, semble également suspect. A cela s'ajoutent 344 000 réservistes qui sont partiellement mobilisés depuis des mois. Cet examen aurait été achevé lundi, de manière satisfaisante, selon Loukachenko.
Moscou et Minsk nient que ces troupes seront bientôt engagées contre l'Ukraine. Lundi, de nouvelles manœuvres de défense communes ont toutefois été annoncées pour 2023, car selon Loukachenko, Kiev — soutenue par l'Otan — cherche à envahir la Biélorussie.
C'est pour cette raison que Loukachenko, en tant que commandant en chef, a détaché peu après l'invasion russe de l'Ukraine plusieurs divisions de sa propre armée, beaucoup plus petite et considérée comme largement obsolète, à la frontière commune, longue d'environ 1000 kilomètres.
Ces forces y menacent indirectement les capitales régionales de l'ouest de l'Ukraine, Lviv, Loutsk et Rivne, y compris la centrale nucléaire toute proche. Mais surtout, elles retiennent les troupes ukrainiennes loin du Donbass.
A Minsk, Loukachenko aura également souligné lors de son entretien avec Poutine que son peuple veut conserver son indépendance. Ce week-end, le président biélorusse a affirmé:
Poutine est ainsi confronté à la quadrature du cercle à Minsk.