Ce jeudi, plus de 50 000 soldats issus d'au moins cinq pays se retrouvent: la Russie, la Chine et l'Inde, entre autres, entament des manœuvres militaires de grande envergure dans la zone frontalière entre la Russie et la Corée du Nord. Le Kremlin appelle cet événement «Vostok-2022».
Avec en toile de fond la guerre en Ukraine, cet exercice militaire braque les projecteurs sur la Russie. Mais quel est le but de tout cela? Que signifie pour nous une telle manœuvre? Devons-nous réagir?
Des forces armées de plusieurs pays, dont des soldats chinois, sont arrivées, mardi, en Russie pour s'entraîner à des manœuvres militaires conjointes. L'exercice aura lieu du 1ᵉʳ au 7 septembre, a indiqué l'armée russe. Des pays comme l'Inde, la Biélorussie et la Syrie y participeront aux côtés de la Chine et de la Russie. La Mongolie et le Tadjikistan devraient également être de la partie. En gros, les derniers amis de Poutine.
L'exercice se déroulera probablement sur le terrain d'entraînement de Sergueïevski dans la région du Primorié (ici 👇). Quelque 50 000 soldats sont attendus, mais le nombre exact des forces des différents pays n'a pas été communiqué par Moscou.
Une politicienne allemande, spécialiste des questions de défense, Agnieszka Brugger (Verts), a vivement critiqué la manœuvre. Elle s'inquiète de l'ampleur du phénomène:
L'Allemande est particulièrement préoccupée par la participation de l'Inde. Ce pays est une démocratie importante en Asie et se présente dorénavant aux côtés de deux Etats impérialistes. Pour Brugger, cela est «hautement irritant et soulève de graves questions, notamment pour nos relations communes».
Les Etats occidentaux reprochent à la Chine et à l'Inde d'apporter un soutien diplomatique à la Russie dans sa guerre d'agression contre l'Ukraine. Ceux-ci démentent néanmoins toute alliance.
L'expert militaire Ralph Thiele de l'Institut de conseil en stratégie, politique, sécurité et économie (ISPSW) n'établirait pas non plus de lien primaire entre la guerre en Ukraine et «Vostok-2022». Pour les Etats participants, il s'agirait plutôt d'un pied de nez.
En effet, de nombreux pays, par exemple en Afrique et en Asie centrale, ne prennent pas l'Occident et ses valeurs au sérieux. «Nous ne mettons pas non plus nos valeurs en pratique», explique Ralph Thiele:
On ne veut pas s'impliquer dans la guerre, ni prendre parti pour la Russie, mais on se réjouit secrètement de pouvoir donner du fil à retordre à l'Occident.
«La Chine est le sujet qui fâche», explique Ralph Thiele. «Notre plus gros problème n'est pas la Russie, même si c'est une puissance nucléaire». Selon lui, la Chine est menaçante parce qu'elle remet en question la légitimité de l'ordre occidental. Dans la foulée, l'expert rappelle le développement rapide de la Chine:
En réalité, les pays industrialisés comme l'Allemagne ont financé le développement de la Chine pendant bien plus longtemps que cela. Aujourd'hui encore, la Chine n'est pas considérée comme industrialisée, mais comme un pays émergent.
Et pourtant, Thiele cite des exemples:
La Chine se définit en outre comme un «hégémon», c'est-à-dire un pays ou un dirigeant qui a une position souveraine sur d'autres Etats ou dirigeants. Et c'est précisément cela qui est préoccupant, pointe l'expert.
L'Occident risque de commettre avec la Chine les mêmes erreurs que celles commises à l'égard de la Russie. C'est pourquoi, selon Ralph Thiele, il faut aborder la Chine sur trois niveaux:
Ce sont surtout le deuxième et le troisième niveau qui ont été négligés dans les relations avec la Russie. «Par le passé, nous n'avons pas pris la Russie au sérieux, pas plus que l'aspect systémique, et c'est pourquoi nous avons pris des risques en matière de prévoyance. Par exemple en matière de dépendance énergétique», explique Thiele: