International
Etats-Unis

Voilà comment Poutine entend «saper l’ordre mondial occidental»

«Le plus grand danger, c’est que Zelensky n’ait pas d’autre choix que de dire oui»
A l'approche de cette nouvelle entrevue aux enjeux mondiaux, les experts sur le sujet de la Russie et de l'Ukraine retiennent leur souffle.Image: Imago, montage watson

Le risque pour Zelensky? «Accepter un deal, le couteau sous la gorge»

Lors de leur rencontre en Alaska, Vladimir Poutine a imposé à Donald Trump sa vision d’un accord avec l’Ukraine, avec succès. C'est désormais Zelensky qui doit se rendre à Washington. L’enjeu est immense. Entretien avec un spécialiste de l'Europe de l'Est
18.08.2025, 11:5518.08.2025, 11:55
Fabian Hock / ch media
Plus de «International»

L’issue du sommet en Alaska n’a pas été aussi triomphante que l’espérait le président des Etats-Unis. Il a pourtant tout fait pour séduire Vladimir Poutine, avec un accueil pompeux et des concessions substantielles.

L’exigence, portée jusqu’ici par les Ukrainiens, les Européens et même Donald Trump lui-même, d’un cessez-le-feu immédiat a pourtant vite disparu des discussions. Aucune nouvelle sanction contre Moscou n’a été décidée. Vladimir Poutine repart donc en vainqueur.

Une redoutée nouvelle rencontre

Aujourd'hui, un nouveau sommet est prévu à Washington. Cette fois, Donald Trump reçoit son homologue ukrainien. Le souvenir de leur dernière rencontre, il y a six mois, reste cuisant: Donald Trump a humilié Volodymyr Zelensky dans les règles de l'art, et publiquement.

Le dirigeant du Kremlin Vladimir Poutine (au centre) se rendant à la conférence de presse en Alaska. Derrière lui, dans l'ombre: le président américain Donald Trump.
Le dirigeant du Kremlin Vladimir Poutine se rendant à la conférence de presse en Alaska. Derrière lui, dans l'ombre: le président américain Donald Trump.Image: Julia Demaree Nikhinson / AP

Cette fois, le président ukrainien ne viendra pas seul. L’accompagneront le chancelier allemand Friedrich Merz, le président français Emmanuel Macron, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président finlandais Alexander Stubb ainsi que le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte.

Qu’est-ce qui attend Volodymyr Zelensky et ses alliés à la Maison-Blanche? Et qu’impliquerait une solution de paix imposée à l’Ukraine? Le politologue spécialisé en Europe de l’Est, Marcel Hirsiger, répond à nos questions.

Marcel Hirsiger, expert en Europe de l'Est à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse.
Marcel Hirsiger, expert en Europe de l'Est à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse.Image: dr

Après son sommet avec Vladimir Poutine, Donald Trump a laissé entendre qu’il pourrait accepter sa proposition: l’Ukraine devrait renoncer à Donetsk, que la Russie ne contrôle pourtant pas entièrement, ainsi qu’aux territoires occupés dans le Sud. Volodymyr Zelensky peut-il accepter cela?
Marcel Hirsiger: A priori, non. D’abord parce que la Constitution définit clairement les frontières du pays. Ensuite, parce que la souveraineté territoriale est garantie en droit international. Le mémorandum de Budapest de 1994, signé par la Russie, confirme également ces frontières. Enfin, une telle cession légitimerait une invasion par la force et ouvrirait la porte à d’autres.

«Zelensky est face à un dilemme: ce scénario semble être le seul que Moscou accepte pour entrer en négociation. Et tant que Poutine n’a pas la garantie d’annexer ces régions, il ne discutera pas sérieusement de paix ou de trêve.»

Mais Vladimir Poutine exige aussi «d’éliminer les causes profondes» de la guerre. Qu’entend-il par là?
Pour Moscou, la proximité de l’Ukraine avec l’Europe est un problème. Mais la Russie joue sur deux narratifs. L’un, destiné au public occidental, parle de «démilitarisation» et de «dénazification», des arguments évidemment infondés.

Et l'autre narratif?
Le second narratif apparaît surtout dans la propagande russe envers sa propre population. Là, on affirme que l'Occident est décadent et idéologiquement perturbé, ce qui le rend inacceptable aux yeux de la Russie, supposée être le défenseur des civilisations chrétiennes occidentales. L'objectif ultime de la Russie est de détruire l'ordre mondial occidental, en utilisant l'exemple de l'Ukraine pour tester jusqu'où l'Occident est prêt à défendre ses propres valeurs et ses réalisations. Il s'agit donc de la prétendue menace de l’Otan et de l’Europe de l'Ouest, mais aussi de véritables objectifs impérialistes.

Pensez-vous que Donald Trump comprend cela?
Rien ne permet de l’affirmer. Au contraire, tout laisse penser que Washington veut tourner la page européenne, sans égard aux véritables causes du conflit.

Brève visite à Bruxelles avant son départ pour Washington: le président ukrainien Volodymyr Zelensky avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Brève visite à Bruxelles avant son départ pour Washington: le président ukrainien Volodymyr Zelensky avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.Image: AP

Quels dangers Volodymyr Zelensky court-il en se rendant à nouveau à la Maison-Blanche?
La relation avec Trump est déjà empoisonnée par l’incident du mois de février. Mais Kiev est sans doute mieux préparé cette fois-ci. Le plus grand risque est que l’affaire soit déjà bouclée, que Washington et Moscou aient arrêté les termes des concessions.

«Zelensky pourrait alors se retrouver contraint de signer, le couteau sous la gorge, sous peine d’être accusé de saboter la paix»

Dans ce cas, il n’aurait guère d’autre option que d’accepter provisoirement les pertes territoriales, non pas en droit, mais de facto, afin d’ouvrir la voie à un processus de paix.

Donald Trump avec Vladimir Poutine en Alaska.
Donald Trump avec Vladimir Poutine en Alaska.Image: Sergey Bobylev / Sputnik / EPA

Comment la population ukrainienne réagirait-elle?
C’est partagé. Une majorité estime toujours que les frontières de 1991 sont intangibles. Mais les Ukrainiens en ont marre de cette guerre.

«Beaucoup se disent prêts à tolérer des concessions temporaires si cela permet un cessez-le-feu et, à terme, une véritable négociation.»

Volodymyr Zelensky peut-il refuser cet accord?
Oui, il peut toujours invoquer le droit international. Mais l'Ukraine aura alors urgemment besoin de garanties de sécurité. Et si Washington ne s’engage pas, ce sera aux Européens d’assurer cette protection, et pas seulement sur le papier. Or, il n’est pas certain qu’ils soient prêts à déployer des soldats en Ukraine.

«La Russie testerait immédiatement la solidité de ces engagements»
Inoubliable : en février, le président américain Trump (au centre) rabaisse Volodymyr Zelensky (à gauche) à la Maison Blanche.
Inoubliable: en février, le président américain Trump rabaisse Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche.Image: Jim Lo Scalzo / Pool / EPA

Quel rôle peuvent jouer Friedrich Merz, Emmanuel Macron et les autres présents lors du sommet de Washington?

«Leur présence est déjà un atout: Zelensky n’affrontera pas Trump tout seul. Cela devrait éviter un nouvel incident diplomatique comme en février»

Mais leur influence reste limitée. Trump a déjà montré qu’il pouvait reprendre les arguments européens pour mieux les balayer ensuite. Il faut espérer malgré tout que Kiev obtienne des garanties concrètes, des Etats-Unis comme des pays de ladite «coalition des volontaires», qui regroupe entre beaucoup d'autres l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

Alligator Alcatraz, la nouvelle prison hardcore de Trump en Floride
1 / 12
Alligator Alcatraz, la nouvelle prison hardcore de Trump en Floride

Donald Trump a inauguré ce nouveau centre de détention pour migrants sans papiers le 1er juillet, en présence du gouverneur de Floride Ron DeSantis.

source: reuters / evelyn hockstein
partager sur Facebookpartager sur X
Ce Jack Russell appelé Patron s'est vu décoré d'une médaille pour ses services, par Zelensky
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
As-tu quelque chose à nous dire ?
As-tu une remarque pertinente ou as-tu découvert une erreur ? Tu peux volontiers nous transmettre ton message via le formulaire.
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Voici les 10 vols où il y a le plus de turbulences au monde
Rien que le mot «turbulences» suffit à donner la nausée à de nombreux passagers. Et la mauvaise nouvelle, c’est que le changement climatique pourrait les rendre plus fréquentes et plus violentes à l’avenir.
Le 20 août, de violentes turbulences ont fait cinq blessés à bord d'un vol Air France à destination d'Ajaccio en Corse. Le 1ᵉʳ août, un vol entre Salt Lake City et Amsterdam s'est terminé en atterrissage d’urgence à Minneapolis, aux Etats-Unis, à cause de fortes turbulences. 25 personnes blessées ont été transportées à l’hôpital après l’atterrissage.
L’article