En juin, l'UE avait décidé d'interdire le transbordement de gaz naturel liquéfié (GNL) russe sur le territoire de l'UE à des fins de transport vers des pays tiers. A Bruxelles, on estime que l'année dernière, environ quatre à six milliards de mètres cubes de GNL russe ont été expédiés vers des pays tiers via les ports de l'UE. La Russie est soupçonnée d'exploiter une «flotte fantôme» qui compterait jusqu'à 400 navires. Ceux-ci seraient chargés de contourner les sanctions et de maintenir le flux d'argent nécessaire au financement de la guerre en Ukraine.
L'un de ces bateaux fantômes s'est fait prendre la main dans le sac au large de l'Egypte. D'après les enregistrements, le «Pioneer» a pris son chargement sur le projet gazier russe Arctic LNG 2 avant de contourner la Norvège puis de se diriger vers le sud de l'Europe. Il aurait tourné en rond pendant plusieurs jours devant le port de Port-Saïd en Egypte. Puis le transpondeur aurait été désactivé. Le navire récepteur «New Energy» serait alors arrivé en provenance du canal de Suez, désactivant aussi son transpondeur. Il s'agit là d'une astuce connue pour éviter que les pétroliers ne puissent être suivis via le système d'identification automatique AIS.
LNG carrier Pioneer (9256602), which loaded cargo from Russia’s sanctioned Arctic LNG 2 project, recently met with New Energy (9324277) just north of the Suez Canal to perform a ship-to-ship (STS) transfer. While STS transfers at sea are uncommon and more complex for #LNG, they… pic.twitter.com/1He7eeU6Lm
— Kpler (@Kpler) August 26, 2024
Mais le service économique américain Bloomberg vient de publier des images satellites qui montreraient le rendez-vous des deux navires. Selon Equasis, une base de données mondiale sur la navigation, le «New Energy» est géré depuis juin par Plio Energy Cargo Shipping et est soupçonné de faire partie de la flotte fantôme de Poutine en raison de l'opacité des rapports de propriété. Certes, les images des satellites ne montrent pas le processus de transbordement, mais celui-ci devrait être évident au vu des circonstances. Selon Bloomberg, on suppose que le «New Energy» se dirige vers l'Asie du Sud-Est pour y décharger le gaz.
En juillet dernier, le Financial Times avait écrit que des hommes d'affaires ayant des liens avec la Russie avaient acheté des dizaines de navires qui pourraient constituer une flotte fantôme. Un tel système existe déjà pour les pétroliers.
Avant cela, de telles transactions étaient plutôt rares.
Le groupe de surveillance de navires Kpler a déclaré que les développements sur le marché des transporteurs de GNL «indiquent un réseau complexe d'opérations maritimes potentiellement liées à des intérêts russes».
Le fait que des navires GNL naviguent désormais au sein d'une flotte fantôme est probablement une conséquence des sanctions occidentales, même si celles-ci ne sont pas aussi sévères que pour le pétrole
Les observateurs de Kpler ont déjà repéré le prochain navire: l'«Everest Energy» aurait manipulé ses données de position. Il aurait été observé dimanche lors de son accostage au terminal Arctic LNG 2, mais les données du transpondeur indiquaient qu'il se situait 1300 kilomètres plus à l'ouest. Il s'agirait du troisième navire GNL à prendre du fret en l'espace de quelques jours.
Le projet Arctic LNG 2 de la société russe Novatek est soumis aux sanctions occidentales. Ce projet serait la plus grande usine de GNL de Russie, avec une production potentielle de 19,8 millions de tonnes de GNL par an à partir de trois installations.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci