Un républicain de haut rang a mis en garde, mercredi, contre une «grave menace pour la sécurité des Etats-Unis». D'après les rumeurs, il s'agirait d'une arme nucléaire russe qui devrait être déployée dans l'espace. Fabian Hoffmann, chercheur en stratégie nucléaire à l'Université d'Oslo, explique de quoi il pourrait s'agir.
Que veut faire Poutine avec des armes nucléaires dans l'espace?
Fabian Hoffmann: Nous devons encore attendre de voir ce qui sera exactement stationné là-bas. Il y a deux théories. La première est que la Russie met en place une arme anti-satellite dans l'espace, capable de neutraliser des satellites grâce à l'énergie cinétique et aux radiations. D'un point de vue militaire, cela n'a toutefois aucun sens. Les satellites peuvent également être attaqués par des missiles conventionnels. Les Russes l'ont eux-mêmes testé en octobre 2021.
Et la deuxième?
Une IEMN, c'est-à-dire une impulsion électromagnétique alimentée en énergie par un réacteur nucléaire.
Comment ça fonctionne?
Le rayonnement électromagnétique permet de combattre l'électronique de l'adversaire, même dans l'espace. Un réacteur nucléaire fournirait dans ce cas l'énergie nécessaire. Il y aurait ici une grande utilité militaire. La tendance actuelle est aux constellations de satellites, c'est-à-dire que de nombreux petits satellites sont lancés dans l'espace et y travaillent ensemble. On pourrait les neutraliser avec une IEMN.
Pourquoi?
Il s'agit d'une manipulation des risques. Par cette action, la Russie signale qu'elle a quelque chose de nouveau avec laquelle elle peut délibérément escalader. Un nouvel outil. La population occidentale est ainsi informée: la situation devient plus chaotique, nous continuons à nous diriger vers l'abîme, et la situation pourrait à tout moment devenir incontrôlable, même involontairement.
La Russie joue donc avec le feu. Pourquoi?
Oui, c'est le cas. Il s'agit d'une tactique, tirée un à un du manuel de la guerre froide. Personne ne sait exactement ce qui se passe. C'est une manière pour la Russie de nous intimider.
L'armement nucléaire dans l'espace commence-t-il maintenant à se développer?
Le Traité sur l'espace extra-atmosphérique de 1967 interdit le déploiement d'armes dans l'espace. En ce sens, c'est déjà une brèche dans la digue que nous voyons ici. S'il se confirme que la Russie déploie désormais des armes dans l'espace, cela ouvrira la porte à d'autres actions de ce type.
Les autres pays doivent néanmoins réagir. Par exemple en mettant en place un réseau de satellites encore plus robuste et en créant des redondances. Mais je ne vois pas encore de spirale d'armement dans l'espace.
De retour sur terre, un autre problème nous préoccupe: le bouclier nucléaire américain au-dessus de l'Europe pourrait bientôt s'effondrer si les Etats-Unis ne sont plus disposés à défendre leurs partenaires de l'Otan. Avons-nous besoin d'une bombe atomique européenne?
Je ne pense pas qu'il soit très judicieux de mettre en place une capacité nucléaire pan-européenne. Cela soulèverait de nombreuses questions, comme celle de savoir qui déciderait de son utilisation, etc. La France et le Royaume-Uni assurent la dissuasion nucléaire. Nous devrions accepter l'offre de la France, formulée à plusieurs reprises, de coopérer encore plus intensément et de nous glisser davantage sous son parapluie nucléaire.
Ce mercredi, plusieurs pays de l'Otan ont déclaré qu'ils allaient investir massivement dans l'armement cette année. L'Europe n'a jamais dépensé autant d'argent pour la défense depuis des décennies. Avons-nous donc compris les messages que nous envoie la Russie?
Nos décideurs l'ont maintenant un peu compris. Mais très tard. La guerre, en Ukraine, dure maintenant depuis près de deux ans, nous avons perdu ce temps. Et ce que nous faisons est encore trop peu. L'Allemagne et la France, qui ont de fortes industries d'armement, devraient les mobiliser davantage. Les chiffres seuls ne disent pas grand-chose. La question décisive est de savoir ce qui se cache derrière et à quoi sert exactement l'argent. L'industrie de l'armement a besoin d'une sécurité de planification.
Ce que l'Europe fait actuellement suffit-il à dissuader Poutine?
L'équilibre des forces conventionnelles n'est déjà pas en faveur de la Russie. Ils sont en infériorité numérique. La Russie ne pourrait pas mener une guerre terrestre contre l'Occident en ce moment. C'est pourquoi Moscou prépare d'autres scénarios.
Lesquels?
Ce qu'on appelle des frappes de désescalade, c'est-à-dire des attaques ciblées de missiles sur des villes européennes. Nous devons agir de manière ciblée contre cela. Cela signifie qu'il faut continuer à investir dans une défense antimissile performante et une capacité de riposte conventionnelle propre. Je souhaiterais que nos politiques en soient encore plus conscients.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)