En politique internationale, une règle d'or s'applique: plus un chef d’Etat ou de gouvernement multiplie les apparitions publiques, plus sa situation politique est favorable. Les apparitions de Vladimir Poutine, chef du Kremlin, ont ainsi augmenté avec les succès progressifs de son armée dans la guerre en Ukraine. De même, Donald Trump, futur président des Etats-Unis, s’implique déjà dans les affaires géopolitiques depuis sa victoire électorale, bien qu’il ne prenne officiellement ses fonctions que le 20 janvier.
En revanche, Xi Jinping s’est montré plus discret. Hormis une allocution du Nouvel An où il a réitéré son amitié avec Poutine et menacé Taïwan d’une «réunification inévitable», la Chine reste discrète sur les grandes questions internationales. Cela contraste fortement avec son statut de superpuissance prétendant influencer la politique mondiale.Cette réserve s’explique par une conjonction de problèmes internes et externes qui fragilisent la position de Xi Jinping.
L’année 2024 a été catastrophique pour Xi Jinping. Entre une économie chancelante, la menace d’une nouvelle guerre commerciale avec les Etats-Unis sous Trump, et des alliés comme Poutine ou Bachar el-Assad qui causent des déconvenues géopolitiques, la Chine a accumulé les revers. A cela s’ajoute une lutte de pouvoir interne au sein du Parti communiste chinois. Résultat, 2025 ne peut qu’être meilleure du point de vue de Pékin.
Pour ne pas perdre de vue ses objectifs stratégiques à long terme, Xi change désormais de tactique: la Chine joue la carte de la prudence. Pékin craint Trump et évite de lui donner un prétexte pour intensifier le conflit avec la Chine. Cette prudence se traduit aussi par une prise de distance économique avec Vladimir Poutine.
La pression économique sur la Chine est énorme. L’économie chinoise, autrefois moteur de la croissance mondiale, fait face à des problèmes structurels: une population en déclin, un taux de chômage en hausse et une faible demande intérieure. Les plans de relance économique initiés par Xi Jinping n’ont apporté que peu de résultats. La dette publique et la déflation augmentent, tandis que la confiance des investisseurs s’effrite.
Les rendements des obligations chinoises à dix ans ont atteint un niveau historiquement bas de 1,6%, et les investissements étrangers continuent de fuir le pays. En parallèle, une bulle immobilière persistante et la stagnation des marchés boursiers alimentent les incertitudes. La faiblesse économique menace l’équilibre social, fondé sur un contrat implicite entre le PCC et la population: la prospérité économique en échange de la loyauté politique.
De plus, la Chine subit encore les effets d’une politique sanitaire très restrictive durant la pandémie. Et les conséquences économiques des bouleversements géopolitiques liés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie se font encore ressentir.
Malgré ce contexte sombre, un chiffre redonne espoir à Pékin: les exportations chinoises ont atteint un niveau record en 2024, avec des ventes à l’étranger s’élevant à près de 3,6 milliards de dollars, soit une hausse de 5,9% par rapport à l’année précédente. Cette hausse s’explique par l’élection de Trump, qui a incité les entreprises chinoises et américaines à conclure des affaires avant l’entrée en vigueur de nouvelles taxes douanières. Cependant, ces gains pourraient n’être qu’un sursis avant un nouveau choc économique.
En effet, le Républicain prévoit d’instaurer des droits de douane pouvant atteindre 60%, frappant des secteurs clés comme l’électronique, le textile ou la mobilité électrique.
Mais les tensions commerciales ne se limitent pas aux Etats-Unis. De nombreux pays voisins de la Chine et des économies émergentes, comme le Mexique, cherchent à réduire leur dépendance à l’égard de Pékin.
La prudence de la Chine s’observe aussi dans ses relations avec la Russie. Craignant de devenir elle-même une cible de sanctions occidentales, la Chine a pris ses distances avec Moscou et de nombreuses banques chinoises refusent désormais de coopérer avec des institutions financières russes. En outre, la Chine bloque le projet de pipeline «Power of Siberia 2», qui aurait permis à la Russie de générer des revenus substantiels via les exportations de gaz. Certains ports chinois, notamment dans la province de Shandong, auraient également fermé leurs portes aux pétroliers russes en raison des sanctions américaines.
Ce désengagement illustre une volonté de Xi Jinping de limiter les dommages collatéraux sur son économie, même si cela signifie compliquer ses relations avec son allié russe.
Les difficultés économiques et géopolitiques ont un impact direct sur la popularité de Xi Jinping. En 2024, des purges au sein du Parti communiste et de l’armée, incluant le limogeage de hauts responsables comme le ministre de la Défense Li Shangfu, ont révélé des fractures internes importantes.
Pour maintenir le contrôle, Xi Jinping pourrait tenter de présenter les sacrifices économiques comme indispensables à la réalisation de ses objectifs stratégiques. Cependant, la population semble de plus en plus sceptique face à ce discours.
Le Nouvel An chinois, marqué par l’entrée dans l’année du Serpent le 29 janvier, pourrait symboliser un tournant. Les mois à venir détermineront si Xi Jinping peut continuer à combiner sa quête de superpuissance avec son régime autoritaire. Faute de quoi, la Chine pourrait s’enfoncer dans une période de faiblesse et d’isolement.
Traduit et adapté par Noëline Flippe