Dans une interview avec Tucker Carlson, en octobre dernier, Donald Trump s'était presque vanté de pouvoir empêcher une alliance entre Moscou et Pékin.
Et il semble que le moment de mettre ses paroles en action semble arrivé. Vladimir Poutine vient de subir une défaite cuisante en Syrie, un revers que même ses plus habiles spin doctors ne pourront dissimuler.
Comme le souligne l’experte russe Hanna Notte dans le New York Times:
Ce n’est pas seulement sur le plan militaire que Poutine est en difficulté, l’économie russe montre également des signes d'essoufflement. Si le pays affiche un taux de chômage quasi nul, ce n’est pas en raison d’un miracle économique, mais plutôt parce que, selon les renseignements britanniques, plus de 700 000 hommes ont été tués ou blessés en Ukraine. De plus, on estime à plus d’un million le nombre de jeunes hommes – souvent bien formés – qui ont fui la Russie pour éviter d’être enrôlés dans la guerre, laissant le marché du travail complètement asséché.
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Les sanctions occidentales et le passage à une économie de guerre commencent également à faire effet. L’inflation officielle a dépassé les 8%, et l’officieuse pourrait être bien plus élevée. Raison pour laquelle la Banque centrale russe a été contrainte de relever son taux directeur à plus de 20%. Ce qui n’a pas empêché l’effondrement du rouble, désormais inexistant sur les marchés. Ce crash a été provoqué par l’exclusion de la Gazprombank – dernier pont financier de la Russie avec les devises occidentales – des transactions internationales.
Quant à Gazprom, autrefois vitrine de l’économie russe, l’entreprise a annoncé une perte de 7,3 milliards de dollars pour 2023.
Donald Trump, admirateur déclaré de Vladimir Poutine, pourrait représenter une aubaine pour le président russe s’il revient à la Maison-Blanche. Selon Alexander Gabuev, directeur du Carnegie Russia Eurasia Center à Berlin, «les premiers signes montrent que la prochaine administration américaine pourrait chercher à briser le partenariat sino-russe en resserrant ses liens avec Moscou tout en exerçant une pression accrue sur Pékin.»
Le plan de Trump, dans ses grandes lignes, pourrait ressembler à ceci: un cessez-le-feu serait instauré le long des lignes de front actuelles. L’Ukraine resterait souveraine, mais sa candidature à l’Otan serait suspendue.
A première vue, ce scénario semble favorable à Moscou. Cependant, «rien ne montre à ce jour que Poutine soit prêt à renoncer à ses exigences maximales», affirme Gabuev. En clair, le Kremlin continue d’exiger une démilitarisation de l’Ukraine et la mise en place d’un gouvernement marionnette à Kiev.
En revanche, Pékin a sans doute moins apprécié la victoire électorale de Trump. Certes, l’administration Biden a maintenu les tarifs douaniers imposés par Trump lors de son premier mandat. Mais les relations entre Pékin et Washington étaient restées relativement stables et prévisibles ces dernières années. Cela risque de changer.
Une situation qui devrait changer avec Trump de nouveau à la Maison Blanche. Le président élu s'est entouré de «faucons anti-Chine» et prévoit d’alourdir encore les droits de douane. Même Elon Musk, dont près de la moitié des Tesla sont assemblées à Shanghai, aura du mal à influer sur cette ligne dure. De son côté, Xi Jinping s’appuie également sur des durs à cuire
L’alliance entre la Chine et la Russie dépasse largement une simple amitié entre Xi et Poutine. Moscou est devenu fortement dépendant de Pékin sur le plan économique: près de 50% des importations russes viennent de Chine et environ 30% des exportations russes partent vers l’Empire du Milieu. Une relation asymétrique qui ne peut être brisée du jour au lendemain, rappelle Alexander Gabuev.
Malgré les revers militaires et économiques de la Russie, il semble illusoire de penser que Trump pourra conclure rapidement un accord avec Poutine tout en isolant Xi Jinping. Comme le résume Gabuev, car «la dernière chose dont Poutine et Xi doivent s’inquiéter, c’est que Washington parvienne à les diviser.»
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)