Nikolaï levmenov a de grands projets: le 80ᵉ anniversaire de la défaite de l'Allemagne nazie face à l'Union soviétique sera célébré à l'avenir par une série d'événements «militaro-patriotiques» dans l'Arctique, a déclaré le chef de la marine russe la semaine dernière lors du Forum arctique à Saint-Pétersbourg.
Mais Ievmenov veut aller plus loin: la présence militaire de la Russie dans la région la plus septentrionale du monde devrait être encore renforcée. Il s'agit d'une «mesure coercitive» qui fait suite aux «mesures agressives d'autres pays». En outre, la Russie doit étendre son influence dans la région — même au-delà du territoire qui revient en fait au pays du Grand Nord selon le droit international.
Pendant des décennies, la région du Grand Nord a surtout intéressé les chercheurs et les aventuriers. Mais cela fait longtemps que ce n'est plus le cas: différents groupes se disputent désormais la région pour des intérêts divers. Quel est exactement l'objectif de la Russie en renforçant ses capacités militaires?
Fondamentalement, d'autres Etats perçoivent également les tensions croissantes dans la région:
Les liens diplomatiques des Etats les plus septentrionaux ont également été restreints. Depuis février 2021, le Kremlin est également isolé au sein du Conseil de l'Arctique. La Russie présidait encore ce forum de discussion jusqu'en mai dernier. Les autres pays membres, à savoir la Norvège, la Suède, le Danemark, la Finlande, l'Islande, le Canada et les Etats-Unis, n'avaient toutefois plus participé à une réunion commune depuis le début de la guerre.
La Russie a cependant renforcé sa présence militaire dans la région polaire du nord, malgré les lourdes charges liées à la guerre en Ukraine: ce lundi encore, le président russe Vladimir Poutine a inauguré deux nouveaux sous-marins nucléaires, baptisés «Krasnoïarsk» et «Tsar Alexandre III», qu'il a qualifiés de «redoutables porteurs de missiles».
Poutine a réaffirmé à cette occasion que la présence militaire russe continuerait à s'accroître, non seulement dans l'Arctique, mais aussi dans d'autres régions comme la mer Baltique, la mer Caspienne, la mer Noire et l'Extrême-Orient. Huit autres sous-marins sont actuellement en cours de construction.
En décembre dernier, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg avait déjà déclaré à la chaîne d'information américaine CNN que l'on percevait actuellement un «renforcement militaire considérable de la Russie dans le Grand Nord». En conséquence, Stoltenberg avait annoncé que l'Alliance allait également doubler sa présence dans la région.
La chaîne d'information a montré, à l'aide d'images satellites, que la Russie avait agrandi et modernisé certaines de ses bases militaires les plus au nord. Certaines de ces installations datent encore de l'époque soviétique. D'un point de vue militaire, cela n'a en principe rien de nouveau, argumente Stoltenberg: car le chemin le plus court de la Russie vers les Etats-Unis passe justement par le pôle Nord.
Toutefois, la région a également une importance économique croissante: tant que la glace continuera à fondre en raison du changement climatique, de nouvelles routes maritimes pourraient se développer durablement, raccourcissant par exemple considérablement le trajet entre l'Asie du Sud-Est et l'Europe — et ce le long de la côte russe. De plus, il existe dans la région d'importants gisements de matières premières encore inexploités. La Chine est également présente dans la région.
Mais le réarmement signifie-t-il automatiquement qu'une confrontation militaire est plus probable? Selon une analyse du Center for Strategic & International Studies datant de janvier, les intérêts russes sont avant tout de nature défensive. La Russie veut par exemple protéger ses installations militaires sur la péninsule de Kola, qui jouxte la Finlande. Il en va de même pour diverses installations pétrolières et gazières.
Dans un combat «improbable mais pas impensable» entre la Russie et l'Otan, les signes pourraient toutefois changer: dans ce cas, une «invasion limitée de la Norvège ou de la Finlande» serait envisageable afin d'établir une autre zone tampon pour protéger les installations nucléaires.
Traduit et adapté par Noëline Flippe