Dans une allocution télévisée, le dirigeant russe Vladimir Poutine a annoncé, mercredi matin, la mobilisation partielle de son armée et a ainsi franchi une nouvelle étape dans l'escalade de la guerre contre l'Ukraine. Il s'agissait d'un discours rempli de fausses affirmations et d'insinuations.
Il n'est pas certain que cette propagande soit efficace auprès de la population russe. En règle générale, les déclarations du gouvernement ne bénéficient pas d'un grand capital de confiance.
Depuis le début, l'Etat russe n'a laissé planer aucun doute sur le fait que ses véritables adversaires en temps de guerre sont les démocraties d'Occident. Aujourd'hui, Poutine affirme, à tort, que l'armée russe fait face en Ukraine, à la fois à l'armée ukrainienne – qu'il appelle, fidèle à sa propre propagande, des «néonazis» –, et à «toute la machinerie militaire de l'Occident». Il va jusqu'à affirmer que l'armée ukrainienne est commandée par des militaires de l'Otan.
C'est faux: l'Otan n'est pas engagée en Ukraine. Au contraire, l'alliance militaire a veillé très attentivement, avant et après l'invasion russe, à ne pas devenir un belligérant actif – les livraisons d'armes n'y changent rien. Même avec des réservistes supplémentaires, l'armée russe n'aurait probablement pas grand-chose à opposer à la supériorité conventionnelle de l'alliance de défense occidentale.
Cette affirmation sert sans doute, en grande partie, à surévaluer l'adversaire afin de dissimuler les lourdes défaites et les énormes pertes subies dans la lutte acharnée contre les troupes ukrainiennes prétendument inférieures.
Le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a donc été chargé de diffuser un deuxième mensonge central: jusqu'à présent, 5937 soldats seraient tombés lors de la «soi-disant opération spéciale», qui est, dans les faits, une guerre d'agression menée par la Russie. En réalité, les pertes sont nettement plus élevées, même les canaux médiatiques proches du Kremlin estiment qu'au moins 15 000 Russes ont été tués. Les estimations occidentales se situent plutôt entre 25 000 et 50 000 morts, selon les sources. A cela s'ajoute un grand nombre de blessés et de disparus.
Le petit calcul de Choïgu de ses propres pertes est absurde, car si l'on devait suivre sa propre logique, 300 000 réservistes n'auraient pas à être mobilisés. Soit dit en passant, cette mesure est présentée comme une proposition du ministre de la Défense, donc lui-même. Pratique, puisqu'en cas d'échec, le principal blâme lui tombera dessus probablement.
Depuis le début de l'invasion, le Kremlin multiplie les provocations par des manœuvres, des allusions et des menaces ouvertes. Ainsi, l'utilisation d'armes nucléaires a été évoquée à plusieurs reprises. Sur la télévision russe, toute l'Europe a été explicitement menacée d'une guerre atomique, ce qui devait probablement servir à empêcher les livraisons d'armes occidentales.
Aujourd'hui, Poutine accuse des hommes politiques occidentaux (non identifiés), soi-disant «irresponsables», de préconiser l'utilisation d'armes nucléaires contre la Russie. Cela suit une longue tradition de relations publiques russes depuis l'Union soviétique: reprocher à l'autre exactement ce dont on peut soi-même être accusé.
En fait, le calcul va apparemment plus loin, puisque Poutine menace, à son tour, d'utiliser des armes nucléaires si l'«intégrité territoriale» de la Russie est menacée. Pendant ce temps, de faux référendums sont mis en scène, à la hâte, dans les territoires occupés afin de justifier l'annexion. Ainsi, toute nouvelle contre-offensive de l'Ukraine serait une attaque «contre la Russie» qui, selon la présentation russe, justifierait une «contre-attaque» nucléaire. On peut douter que Poutine soit réellement sérieux à ce sujet. Il a lui-même menacé dans son discours: