Au premier abord, ce silence peut paraître étonnant. Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, jamais avare d'un commentaire acerbe et hargneux, se montre pour une fois réservée. Pas un mot sur les attaques de drones ukrainiens contre les bases aériennes russes. Son chef, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ne dit rien non plus.
Lundi, le président russe Vladimir Poutine s'est fait photographier au Kremlin avec sa médiatrice pour enfants Maria Lvova-Belova, qui, comme lui, fait l'objet d'un mandat d'arrêt du Tribunal pénal international de La Haye pour enlèvement d'enfants ukrainiens. L'imperturbabilité, c'est le message et le sentiment que le Kremlin doit espérer diffuser avec ces photos.
C'est la stratégie habituelle de la Russie face aux événements inattendus: se taire, ne pas réagir lorsque le monde attend une réaction. Une réponse rapide est considérée comme une faiblesse par les Russes, d’autant plus que, à Moscou, une réponse n’est jamais formulée sous la pression. Une sorte de muselière s'étend donc d'abord sur le pays.
Les journaux écrivent toujours la même phrase:
Presque personne ne mentionne le fait que des supports de missiles stratégiques auraient été touchés.
De même, la télévision se contente de diffuser le communiqué de presse du ministère russe de la Défense:
Et le présentateur de télévision passe aux descriptions des frappes de l'armée russe en Ukraine.
Le journal Moskovski Komsomolets donne le ton et ouvre son édition de lundi avec une photo de l'aérodrome de Belaïa, près d'Irkoutsk, en flammes. Le journal ne précise pas ce qui brûle. Mais une chose est claire pour la rédaction: c'est l'Ukraine qui répand la terreur parce qu'elle n'est pas intéressée par la paix. Le journal titre:
Dans le même temps, à Istanbul, des délégations ukrainiennes et russes se rencontrent pour discuter directement de la guerre. Mais la réunion a duré moins d'une heure. «Sans rien de concret», comme on le dit dans les milieux de la délégation ukrainienne. Toujours est-il que les deux parties se seraient apparemment mises d'accord sur l'échange de prisonniers de guerre gravement malades et de ceux âgés de moins de 25 ans. Le prochain cycle de négociations serait en préparation et aurait lieu fin juin, selon la partie ukrainienne.
On ne sait pas si et comment la Russie a réagi à la dernière opération ukrainienne. Selon le Moskovski Komsomolets, les frappes contre les aéroports et les actes de sabotage qui ont entraîné l'effondrement de ponts et le déraillement de trains près de Briansk et de Koursk devaient permettre à l'Ukraine de «se vanter» auprès de ses partenaires occidentaux.
Certains partisans de la guerre tentent de minimiser les pertes au sein de l'armée russe. Le texte du propagandiste russe Andreï Medvedev donne l'impression qu'il tape du pied comme un petit enfant en colère:
D'autres observateurs russes demandent que Moscou réagisse enfin plus durement. Le politologue russe Alexeï Pilko écrit pour sa part:
L'Ukraine veut obtenir un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, alors que les Russes veulent «supprimer les causes fondamentales» du conflit. En d'autres termes, la Russie désire l'assujettissement politique de l'Ukraine, et en fin de compte la capitulation de Kiev. Lundi soir, la télévision russe a qualifié les exigences de l'Ukraine d'«esquisses déconnectées de la réalité».
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci