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«C'est le chaos»: Comment le Sri Lanka s'enfonce dans un drame

Protesters swim as onlookers wait at a swimming pool in the president's official residence a day after it was stormed in Colombo, Sri Lanka, Sunday, July 10, 2022. Sri Lanka
Des manifestants se baignent dans la piscine de la résidence présidentielle à Colombo, la capitale du Sri Lanka.image: keystone

«C'est le chaos»: comment le Sri Lanka s'enfonce dans un drame

Le Sri Lanka est en faillite. Les gens ont faim et le pays n'a plus de carburant. Esther Marthaler, coordinatrice régionale d'Helvetas pour le Sri Lanka, explique les raisons pour lesquelles le pays en est arrivé là.
13.07.2022, 18:13
Helene Obrist
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Un backflip dans la piscine présidentielle, une partie de piano dans la résidence du gouvernement. Ce sont les images d'un Sri Lankais en colère qui a pris possession de la résidence du président. Et elles ont fait le tour du monde.

Les 22 millions d'habitants de l'Etat insulaire vivent actuellement la pire crise économique depuis l'indépendance du Royaume-Uni, en 1948. Le Sri Lanka est en faillite. Le gouvernement n'a plus de devises pour importer des biens et le pays manque de tout. Depuis des mois, il n'y a presque plus de carburant et le gaz pour cuisiner fait défaut. Le prix des denrées alimentaires et des médicaments a explosé. Et régulièrement, l'électricité est coupée pendant des heures.

«C'est le chaos pur et simple», déclare Esther Marthaler, coordinatrice régionale d'Helvetas pour le Sri Lanka.

«Les gens sont désespérés. Surtout ceux qui vivent à la campagne. Ils n'ont plus assez à manger et ne peuvent plus aller nulle part par manque d'essence. Il n'y a presque plus de médicaments non plus»

Elle qui était encore au Sri Lanka en mai, parle aussi de la pire crise depuis l'indépendance en 1948. Travailler sur place serait devenu plus difficile.

«Il faut planifier les journées de travail en fonction des coupures de courant. Et si l'on veut se procurer de la nourriture ou d'autres biens, il faut compter plusieurs heures pour cela.»

Mauvaises récoltes et manque de produits d'exportation

De nombreux petits événements ont conduit le pays dans une grande crise nationale. Beaucoup de biens de consommation courante sont importés, mais l'endettement du pays rend l'importation impossible. Et ce qui est produit dans le pays en termes de denrées alimentaires ne peut plus être distribué, car l'essence pour le transport fait défaut. «Les chaînes d'approvisionnement vers les provinces se sont effondrées», explique Esther Marthaler.

epa10065275 People sing songs inside the prime minister's official residence in Colombo, Sri Lanka, 11 July 2022, two days after official residences were stormed. Sri Lankan president and prime m ...
Un groupe de manifestants joue du piano dans la résidence du président.image: keystone

De plus, le gouvernement du président Gota Rajapaksa a décidé de ne plus pratiquer que l'agriculture biologique.

«C'est une bonne initiative en soi, mais elle est arrivée trop vite. Elle a entraîné la perte de 50% des récoltes dans de nombreux endroits, car les agriculteurs doivent soudain cultiver sans connaissances préalables et sans pesticides. Au Sri Lanka, la plupart des légumes sont produits dans une seule région. Mais en ce moment, on ne peut presque rien y récolter.»

Même ceux qui se nourrissent par le biais de l'autoproduction sont désormais à bout de souffle. Et les mauvaises récoltes se répercutent également sur les exportations, poursuit Esther Marthaler. Par exemple, le Sri Lanka – qui est un important fournisseur de thé – exporte actuellement beaucoup moins de thé et de moins bonne qualité, ce qui entraîne la perte d'importantes recettes.

Le tourisme, important pourvoyeur de devises, s'est lui aussi complètement effondré, et ce dès le début de la pandémie. Le gouvernement avait promis des réductions d'impôts comme promesse électorale, et ces promesses ont été tenues. Seulement voilà, les caisses de l'Etat ont, par conséquent, été encore moins approvisionnées.

Tous ces points font que le pays manque de tout. Ces dernières semaines, la situation se serait encore aggravée. «La plupart des gens doivent rester chez eux en raison des couvre-feux répétés et du manque de carburant. Là-bas, ils ont à peine le nécessaire pour vivre et ne savent plus quoi faire», explique Marthaler.

Sri Lanka army soldiers patrol near the official residence of president Gotabaya Rajapaksa three days after it was stormed by anti government protesters in Colombo in Colombo, Sri Lanka, Tuesday, July ...
«Go Home, Gota», voici le slogan utilisé depuis des mois par une grande partie de la population du Sri Lanka qui exige le départ du président en exercice Gotabaya Rajapaksa.image: keystone

Le désespoir unit la population

La colère et le désespoir ont soudé la population. La coordinatrice régionale d'Helvetas parle d'une «unité nationale inhabituelle», tous groupes ethniques confondus. Tout le monde est d'accord pour dire que la faute en revient à l'élite du président Gotabaya Rajapaksa, qui domine le pays depuis 20 ans et s'enrichit.

Depuis des mois, les manifestants réclament la démission du président avec le slogan «Gota, Go Home». Le week-end dernier, la situation a dégénéré: des centaines de personnes ont réussi à accéder à la résidence du président lors d'une manifestation à Colombo. Ils se sont installés sur les canapés en cuir et ont profité de la piscine pour se rafraîchir.

Le Parlement veut élire un nouveau président

La crise est loin d'être terminée, affirme Marthaler de l'ONG suisse. «Les problèmes économiques ne peuvent pas être résolus à la va-vite, de nombreux jeunes veulent quitter le pays». Mais il y a de l'espoir.

«La crise pourrait aussi déclencher des changements positifs. Car il y a des forces progressistes qui veulent vraiment prendre en compte les besoins de la population»

Mercredi prochain, le Parlement sri-lankais doit élire un nouveau président. Le premier ministre Ranil Wickremesinghe a également proposé de démissionner. Pour l'heure, on ne sait toutefois pas encore si ce dernier quittera effectivement son poste.

Traduit et adapté de l'allemand par sia

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