Soulagement, joie et fierté en Suède: son adhésion à l'Otan est désormais officielle, un 32e drapeau a été hissé ce lundi 11 mars à Bruxelles au siège de l'organisation. Mais dans le plus grand pays scandinave, on doute aussi sérieusement d'être à la hauteur du défi.
Les aptitudes de l'armée suédoise, qui s'entraîne actuellement avec 20 000 soldats de l'Otan en Laponie n'inquiètent pas vraiment. Ce qui préoccupe davantage, en revanche, ce sont les infrastructures du pays, dont les chemins de fer:
L'alliance a besoin de la Suède pour déplacer des troupes et des équipements militaires – notamment ceux des Etats-Unis – de l'Atlantique vers l'Est, la Finlande et les pays baltes. Pour cela, il faut emprunter le «canal de Suez scandinave», un chemin de fer de 473 kilomètres qui traverse le nord de la Suède et relie la mer Baltique à la mer du Nord.
Deux douzaines de trains de marchandises y circulent chaque jour entre la ville minière de Kiruna et le port norvégien de Narvik, en mer du Nord, chargés de dizaines de milliers de tonnes de minerai de fer. Mais le tracé pourrait tout aussi bien servir au transport de chars et de véhicules de troupes – si la ligne est ouverte.
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Pourtant, depuis décembre, deux accidents ont entraîné un blocage de la ligne pendant des mois, et ce n'est pas la première fois que cela se produit. Le minerai s'est par conséquent accumulé plusieurs jours durant, faisant perdre des millions à l'entreprise minière publique LKAB. Le chantier de réparation a pris du retard, tandis que la police a d'abord enquêté sur un possible acte de sabotage. Désormais, ce sont plutôt les grandes quantités de neige et l'usure qui sont privilégiées pour expliquer le déraillement et l'interruption du trafic sur cette artère industrielle vitale.
Pour les experts militaires, la fragilité des infrastructures ferroviaires suédoises peut avoir des conséquences graves en cas d'urgence. Et tout le pays est concerné. 2023 a en effet été une année record avec des coupures de lignes, de déraillements et de suppressions de trains à tout-va; les ingénieurs pointent du doigt des manquements dans la maintenance du réseau.
Le métro et le train de banlieue de la capitale posent aussi un problème. Le réseau est exploité par une entreprise dont la maison mère a son siège à Hong Kong et entretient, selon les médias, des liens directs avec le régime chinois. Des experts suédois en sécurité comme Patrik Oksanen pensent donc que les services secrets ennemis pourraient avoir «une connaissance détaillée de l'infrastructure». Notamment des tunnels sous le Parlement et le siège du gouvernement.
Les spécialistes ont en outre identifié de nombreux autres domaines de sécurité intérieure infiltrés par des présences étrangères dérangeantes, y compris russes, par exemple dans la communication ou l'approvisionnement en énergie.
Cela pourrait également poser problème à d'autres pays en cas de crise. Mais selon les critiques, les privatisations prononcées à tour de bras dans une Suède très libérale accroissent le risque.
En outre, le pays a longtemps pu jouir de la paix et de la neutralité, ce qui l'a rendu naïf: ce n'est qu'il y a quelques années que les mises en garde contre Moscou se sont multipliées, tout comme celles contre les coupes drastiques dans l'armée, ou encore contre l'espionnage sur son propre territoire.
Au début de l'année encore, l'armée et le gouvernement ont été contraints de tirer la sonnette d'alarme, mettant sérieusement en garde contre une guerre. Avec un message sous-jacent: l'adhésion à l'Otan ne résoudra pas le problème à elle seule; le pays doit se réveiller et se préparer à faire face.
Le manque d'abris pour la population en cas de conflit, par exemple dans les hôpitaux, est symptomatique. La Suède compte 64 000 installations publiques de protection civile, qui doivent être contrôlées et modernisées. Une équipe de spécialistes existe, mais elle ne compte que deux personnes.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)