Les disputes entre Norvège et Suède, c’est courant. Souvent à cause du ski de fond ou des questions migratoires. Mais là, c’est une petite oie brun-gris qui crée la tempête.
Depuis les années 70, la Suède investit des millions dans la sauvegarde de cette espèce menacée. Mais dès qu’une oie franchit la frontière, la Norvège déclenche les hostilités: l’oiseau devient «cible autorisée» et est rapidement abattu.
C’est précisément ce qui s’est produit cet été, une fois de plus, au grand désespoir des Suédois, dont les efforts de préservation sont peu concluants. La Norvège, de son côté, considère les oies venues de Suède comme une menace sérieuse pour sa propre (et minuscule) population locale de volatiles. Selon les autorités norvégiennes, les oies suédoises ne sont pas génétiquement «pures», car leur élevage aurait impliqué le recours à d’autres espèces d’oies, altérant ainsi leur patrimoine génétique.
Par ailleurs, pour protéger ses volatiles des chasseurs, la Suède a «rééduqué» ses oies: elles passent désormais l’hiver aux Pays-Bas et en Allemagne, des zones jugées plus sûres. Pour y parvenir, la Suède a utilisé une méthode originale: faire voler ses oies avec d'autres espèces pour leur montrer le chemin, ou même les faire suivre des petits avions légers jouant le rôle de «parents adoptifs».
La Norvège craint que ces «intruses» n’altèrent les gènes et le comportement des oies locales. En effet, les oies naines norvégiennes suivent une route migratoire différente des autres pour s'envoler, à partir du mois d'août, vers la Grèce.
Mais pour Sarah Nordlinder, cheffe du projet suédois, ces craintes ne reposent sur aucune base scientifique. La spécialiste déplore également que certains, en Norvège, traite ses oies d'«oiseaux en plastiques» parce qu'elles passent l'hiver aux Pays-Bas.
Au final, ces quelques centaines d’oies naines scandinaves représentent une part microscopique de la population mondiale, principalement présente en Russie, Ukraine, Iran et Azerbaïdjan. Mais pour le chercheur danois Jesper Madsen, ce conflit qui dure depuis des décennies a des conséquences lourdes: il freine la coopération internationale nécessaire à la protection de l’espèce.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich