Au début, un étrange phénomène naturel. L’océan se retire et révèle le fond marin pendant que les vacanciers, fascinés, dégainent caméras et appareils photo pour immortaliser la scène. Mais ce qui s'apprête bientôt à apparaître sur d’innombrables vidéos est bien plus terrifiant qu'un peu de mousse à l'horizon. D’immenses vagues monstrueuses déferlent sur tout l’océan Indien, atteignant à certains endroits 20, 30, voire 40 mètres de hauteur - semant partout, derrière elles, la mort et la destruction.
Le tsunami du 26 décembre 2004 a fait, selon les Nations Unies, 230 000 victimes dans 14 pays.
Ce jour-là, au large de Sumatra, la plaque indo-australienne glisse sous la plaque eurasienne, entraînant avec elle une partie de la microplaque birmane vers le bas, avant de remonter brusquement.
Le séisme, d’une magnitude de 9,0, transmet une énergie phénoménale à l’eau, l’équivalent de 475 millions de tonnes de TNT. Les vagues générées traversent l’océan à une vitesse pouvant atteindre 1000 km/h, du fond marin jusqu’à la surface. En atteignant les côtes, elles ralentissent, transformées en montagnes d’eau mortelles.
D’immenses masses d’eau pénètrent profondément dans les terres, écrasant des gens contre les bâtiments, détruisent des maisons et anéantissent des villes entières. Les victimes sont frappées par des débris flottants ou lacérées par des objets tranchants. Quand l’eau se retire, elle emporte des survivants en haute mer, où beaucoup finissent par se noyer.
Les images de piles de cadavres font le tour du monde. Pendant des semaines, les secouristes extraient des corps des décombres. Mais sur une plage de l’île thaïlandaise de Phuket, un miracle se produit. Toutes les personnes présentes survivent. Les médias évoquent un «ange de la plage» qui aurait sauvé plus de 100 personnes.
Cet ange est une petite fille qui, deux semaines auparavant, a bien écouté son cours de géographie à l’école – et qui a ensuite obstinément averti les adultes, même quand ceux-ci ne l'ont pas prise au sérieux.
Cette fille s'appelle Tilly Smith, et elle est alors âgée de dix ans. Le matin du 26 décembre 2004, elle se promène avec ses parents et sa petite sœur Holly sur la plage de Mai Khao.
Originaire du comté de Surrey, en Angleterre, Tilly savoure la quiétude des vacances de Noël, jusqu’à ce qu’elle remarque que la mer a un comportement étrange. Une écume inhabituelle se forme à la surface agitée, les vagues avancent, mais ne refluent pas normalement. Un tronc d’arbre tournoie dans l’eau.
Elle se souvient alors de ce qu’elle a appris récemment en cours de géographie. Avant un tsunami, l’eau à proximité du rivage présente parfois des signes avant-coureurs – une écume inhabituelle et une mer qui semble «bouillir». «J’ai senti qu’une catastrophe allait se produire», expliquera Tilly. Mais au loin, rien ne semblait menaçant. Ses parents tentèrent de la rassurer: «Ne sois pas ridicule, Tilly».
Mais Tilly persiste. Elle insiste, encore et encore, et finit par crier:
Ses parents ne comprennent pas vraiment ce qu’elle raconte, mais son insistance finit par inquiéter son père. Il prend ses deux filles et se précipite vers l’hôtel, tandis que leur mère hésite encore à quitter la plage. A l’hôtel, le père de Tilly parle à un agent de sécurité et lui dit: «Je sais que cela semble fou, mais ma fille pense qu’il va y avoir un tsunami.»
Heureusement, cet agent de sécurité est japonais. Il connait bien ce mot – tsunami – et prend immédiatement la situation au sérieux: «Je crois que votre fille a raison.»
Une évacuation immédiate est ordonnée. «Il y avait une famille en train de faire du kayak, d’autres personnes dans la piscine», raconte plus tard Tilly.
Finalement, même la mère de Tilly réussit à rejoindre l’hôtel. Peu après, la mer se retire brusquement. Le signe annonciateur du tsunami. Et puis, le moment fatidique arriva. «Une muraille d’eau s’est abattue sur nous», raconte Tilly. «L’eau a inondé l’hôtel. On entendait des craquements, des détonations, et la mer rugissait.» Mais grâce à l’évacuation, toutes les personnes présentes avaient réussi à se réfugier à un étage suffisamment élevé.
Les jours suivants, les survivants réalisent leur chance. Tilly se remémore notamment d’une petite fille grièvement blessée, arrivée à l’hôtel. Toute sa famille a péri dans le tsunami. Lorsque la famille Smith rentre en Angleterre début 2005, une question est posée à bord de l’avion:
Beaucoup de passagers levèrent la main. «C’est à ce moment que j’ai compris l’ampleur de la catastrophe», écrira plus tard Tilly dans un témoignage pour les Nations Unies.
Un an plus tard, Tilly rencontra Bill Clinton, alors envoyé spécial de l’ONU pour la reconstruction post-tsunami. «L’histoire de Tilly nous rappelle l’importance cruciale d’éduquer les jeunes aux risques naturels, déclare l'ancien président américain. L’éducation peut faire la différence entre la vie et la mort.»
Aujourd’hui encore, l’histoire de Tilly Smith est racontée comme un exemple de courage, de persévérance et de l’impact immense d’une éducation bien transmise.