Le président russe Vladimir Poutine ne plaisante pas: alors que son armée bombarde les installations portuaires d'Odessa et de Tchornomorsk et y brûle des milliers de tonnes de céréales, il fait désormais également déployer sa flotte de guerre pour bloquer le trafic maritime en mer Noire. Depuis l'annulation unilatérale de l'accord céréalier par la Russie, plus aucune graine ukrainienne – blé, maïs ou tournesol – ne devrait arriver sur le marché mondial.
Mercredi, Poutine a précisé ce qu'il voulait exactement: peu avant de recevoir des chefs de gouvernement africains à Saint-Pétersbourg, il a déclaré que la Russie était «capable de remplacer les céréales ukrainiennes, à la fois sur une base commerciale et gratuite».
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La Russie souhaite ainsi inciter les pays d'Afrique à se mettre directement sous sa dépendance. En clair, la Russie – plutôt que l'Ukraine – doit approvisionner le monde. De toute façon, il ne s'agissait pour l'Occident que d'«exploiter sans vergogne» le marché et de revendre les céréales ukrainiennes en réalisant de gros bénéfices, affirme Poutine dans un texte publié sur un site Internet du Kremlin.
En effet, sur les 33 millions de tonnes de céréales que l'Ukraine a exportées l'année dernière via les ports de la mer Noire, la majeure partie a été destinée à la Chine, à la Turquie et aux pays de l'Union européenne (UE). Néanmoins, les pays émergeant du continent africain ont également profité de la stabilisation des prix sur le marché mondial. Mais ceux-ci menacent désormais de s'envoler de nouveau, comme au début de la guerre.
Dans le contexte du blocus russe, l'Ukraine cherche désespérément des moyens de faire sortir ses céréales du pays par des routes alternatives. Avec l'UE, le pays souhaite développer des «corridors verts». Il s'agit de liaisons terrestres ou par le Danube via les pays voisins. Les formalités douanières y ont été fortement réduites ces derniers mois, et les capacités ont été renforcées.
Seulement voilà: en Europe de l'Est, l'importation de céréales ukrainiennes bon marché suscite la colère. Dans des pays comme la Pologne, on craint un effondrement des prix et la colère des agriculteurs locaux. Aujourd'hui déjà, les produits agricoles ukrainiens ne peuvent pas être commercialisés librement en Pologne. Dans une lettre adressée à la Commission européenne, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et la Slovaquie demandent désormais la prolongation des restrictions d'importation. Si Bruxelles ne cède pas, Varsovie a déjà annoncé des mesures drastiques et son intention de fermer la frontière avec l'Ukraine.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'apprécie pas ces menaces. Les restrictions sont «absolument inacceptables» et «non européennes», a-t-il déclaré lundi dans son message vidéo quotidien. Il demande à la Pologne et à l'UE d'ouvrir leurs portes et d'autoriser l'importation de céréales ukrainiennes sans obstacle.
La querelle est également frappante parce que peu de pays en Europe se sont jusqu'à présent montrés aussi solidaires avec l'Ukraine que la Pologne. Mais cette solidarité semble avoir atteint ses limites dès lors qu'il s'agit des agriculteurs polonais. La raison est très simple: les élections polonaises auront lieu à l'automne et de nombreux partisans du parti au pouvoir, le PiS, vivent dans la partie agricole du pays. Si le premier ministre Mateusz Morawiecki veut rester au pouvoir, il ne doit pas se mettre à dos les agriculteurs.
L'UE doit désormais résoudre le problème. «Tout ce qui nuit à l'agriculture polonaise doit être bloqué, remplacé ou compensé», exige Mateusz Morawiecki. Les Européens de l'Est demandent ainsi de l'argent à Bruxelles. La situation de départ est donc la même qu'en mai dernier, lorsque la Commission européenne n'avait pu régler le litige qu'avec une aide d'urgence de 100 millions d'euros – au grand dam des pays occidentaux de l'UE.
Il n'est pas certain que cela se produise cette fois-ci. Après une réunion avec les ministres de l'Agriculture de l'UE mardi, Bruxelles a annoncé des investissements et des aides financières pour rendre les routes alternatives plus attractives et réduire les coûts de transport. En revanche, la décision controversée sur les restrictions d'importation a été reportée à la fin de la pause estivale.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder