L'accord sur les céréales entre la Russie, l'Ukraine, les Nations unies (ONU) et la Turquie a offert une petite lueur d'espoir pendant la guerre russe contre l'Ukraine. Un tout petit signe que la diplomatie pouvait encore résoudre des problèmes. Cet accord réglait l'exportation de céréales ukrainiennes depuis trois ports de la mer Noire. La Russie s'était engagée à ne pas attaquer les navires de fret internationaux lors de leur traversée de la mer Noire.
Depuis lundi, l'accord n'existe plus. La Russie ne l'a pas renouvelé. Mercredi soir, le Kremlin a annoncé la levée de toutes les garanties de sécurité pour les navires en mer Noire. Désormais, tout navire faisant escale dans un port ukrainien sera considéré par la Russie comme une cible militaire. Mais quelle est la probabilité que la marine russe attaque des navires civils en mer Noire? Et comment la communauté internationale doit-elle réagir à l'annonce russe?
«La Russie tente d'étendre sa domination sur l'ensemble de la mer Noire», explique Nico Lange de la Conférence de Munich sur la sécurité. A ses yeux, cette menace est un nouveau développement que la communauté internationale ne doit pas ignorer.
L'inquiétude est toutefois grande quant à une nouvelle escalade. Mercredi soir, Adam Hodge, le porte-parole de la commission de défense américaine, s'est présenté devant la presse à Washington. D'après lui, la Maison-Blanche dispose d'informations selon lesquelles la Russie aurait miné les entrées des ports ukrainiens de la mer Noire. Les villes portuaires d'Odessa et de Mykolaïv ont également été ciblées par des tirs russes cette semaine. Depuis lundi soir, la Russie a détruit environ 60 000 tonnes de céréales par des tirs de missiles, a déclaré mardi le gouvernement de Kiev.
Et ce n'est pas tout: Adam Hodge a déclaré que les informations des services de renseignement américains indiquaient que l'armée du président russe Vladimir Poutine pourrait attaquer des navires civils. Les soldats pourraient tenter de faire porter la responsabilité de ces attaques à l'Ukraine, a expliqué Hodge.
Nico Lange estime que l'avertissement des Américains est plausible. «Depuis le début, les Etats-Unis n'ont cessé de publier des informations des services secrets sur les plans russes», explique l'expert. Il ajoute:
Même si rien n'a été fait jusqu'à présent, la communauté internationale doit maintenant réagir, demande Lange. «Si la Russie menace des navires civils avec des mines ou même des tirs, les navires russes ne devraient plus être autorisés à faire escale dans les ports du monde entier», déclare l'expert en sécurité. D'après lui, tout dépend désormais de la réaction de la communauté internationale. «Nous devons continuer à exercer notre droit d'utiliser les voies maritimes. Et nous devons protéger les navires en mer Noire.»
Salvatore Mercogliano, professeur de droit maritime et d'histoire de la navigation à l'université Campbell en Caroline du Nord, est d'accord avec lui.
On ne sait toutefois pas qui pourrait fournir les navires d'escorte. Selon Mercogliano, ce sont justement les Etats de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) qui devraient participer à la protection des navires en mer Noire: «La Turquie pourrait se déclarer prête à le faire, la Roumanie et la Bulgarie également en tant que pays riverains de la mer Noire».
D'autres pays de l'Otan pourraient également contribuer à la protection des navires marchands internationaux en envoyant des équipes de soutien sur les côtes roumaines et bulgares ou en envoyant des équipes sur les navires d'escorte.
Salvatore Mercogliano ajoute que les Etats-Unis viennent d'envoyer un destroyer, des chasseurs F-35 et F-16 dans le détroit d'Ormuz pour protéger les navires marchands. «En mer Noire, nous ne pouvons toutefois pas prendre de telles mesures de protection», souligne-t-il. Pourquoi? Parce que les Etats-Unis et d'autres pays de l'Otan ont peur d'un éventuel conflit ouvert avec la Russie.
Nico Lange, de la Conférence sur la sécurité de Munich, appelle lui aussi à une réaction ferme de la communauté internationale. Car avec sa menace, la Russie veut tester la cohésion internationale, suppose-t-il.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)