Le siège d'Azovstal marque la dernière étape de la bataille de Marioupol, ville portuaire ukrainienne située dans le sud-est du pays, aux portes du Donbass.
A cause de sa position stratégique, Marioupol est un objectif de première importance pour le Kremlin. La ville est, en effet, bombardée dès le premier jour de l'invasion russe, le 24 février 2022. Peu de temps après, début mars, les troupes de Poutine l'encerclent et commencent à l'assiéger.
Le siège de Marioupol est terrible. La plupart de la ville est détruite par l'artillerie et les bombardements russes. La maternité et un hôpital pédiatrique sont frappés, ainsi qu'un théâtre où près d'un millier de civils avaient trouvé refuge.
Petit à petit, les troupes russes parviennent à prendre le contrôle d'une partie de plus en plus grande de la ville. Le 10 avril, les attaquants divisent les combattants ukrainiens en deux zones: le port, situé au sud-ouest, et l'aciérie Azovstal, à l'est.
Ce qui reste de l'armée ukrainienne, mise en déroute par les Russes, se réfugie dans l'usine Azovstal, qui devient rapidement la dernière poche de résistance de la ville assiégée.
Il s'agit d'un vaste complexe sidérurgique bâti pendant la période soviétique, qui s'étend sur une surface de onze kilomètres carrés. L'usine est parcourue par des voies ferrées, entrepôts, fours à coke, usines diverses et cheminées. Autant d'obstacles et de pièges qui font le jeu des défenseurs.
Le vrai atout d'Azovstal se trouve, pourtant, au-dessous de la surface du sol. L'usine cache, en effet, un réseau de tunnels long de 20 kilomètres et qui atteint une profondeur de 30 mètres. Des milliers de civils trouvent refuge dans les entrailles de l'aciérie, une véritable «ville dans la ville».
L'assaut russe se focalise se plus en plus sur l'aciérie, qui est bombardée avec toute sorte d'armes: des missiles aériens, des lance-roquettes et des obus d'artillerie. Pourtant, les attaquants évident l'attaque au sol. Les caractéristiques d'Azovstal donnent aux défenseurs un important avantage tactique.
Les attaques contre l'usine s'intensifient. Le 15 avril, pour la première fois, des bombardiers stratégiques Tu-22M larguent des FAB 3000 sur Azovstal. Il s'agit de vieilles bombes soviétiques conçues pour détruire les bunkers. Elles pèsent 5 tonnes et contiennent près de 3000 kilogrammes d'explosifs.
Tu 22M3 preparing to attack AzovSteel with FAB 3000 in Mariupol.Using strategic aviation to drop dumb bombs not smartest thing. pic.twitter.com/nYvip3IlNh
— ZOKA (@200_zoka) April 6, 2022
Mais même le recours aux FAB 3000 ne permet pas de chasser les résistants. Le 16 avril, selon Kiev, 3000 à 3500 combattants se trouvent encore dans l'aciérie. En face, les forces russes et pro-russes comptent jusqu'à 10 000 soldats.
Le 21 avril, le président russe Vladimir Poutine annonce publiquement que Marioupol est désormais aux mains des Russes. Avozstal est officiellement le dernier endroit contrôlé par les Ukrainiens de la ville. Le chef du Kremlin le sait, mais renonce à mener l'assaut final, conscient des difficultés stratégiques que présente l'aciérie. Il opte pour une autre tactique:
Coupés du monde, à court de munitions, nourriture et équipements, les résistants semblent condamnés à un sombre destin.
Mais même dans ces conditions extrêmement difficiles, des soldats ukrainiens arrivent à organiser des vols de réapprovisionnement. Lors de missions très risquées, des hélicoptères parviennent à se poser dans le périmètre de l'usine et à évacuer des blessés. Beaucoup sont abattus.
Rare footage showing #Ukrainian fighters landing on #Azovstal and loading the wounded into helicopters. March 2022. pic.twitter.com/61KVvwBHEa
— NEXTA (@nexta_tv) July 25, 2022
Des centaines de civils se trouvent toujours à l'intérieur d'Azovstal. Ils ne sortiront que début mai, près d'un mois après le début du siège, à la faveur de plusieurs évacuations.
Un couloir humanitaire est ouvert le 5 mai. Deux jours plus tard, le 7, les autorités ukrainiennes annoncent que tous les civils ont été évacués d'Azovstal.
Les responsables russes affirment que les civils peuvent se rendre dans la direction qu'ils souhaitent. Certains d'entre eux se sont transportés dans la ville de Zaporijia, encore sous contrôle ukrainien.
Il n'y a désormais plus que des soldats dans l'usine. Le 8 mai, les défenseurs tiennent une conférence de presse. Deux officiers du controversé régiment Azov, qualifié de «néonazi» par Moscou, s'expriment face caméra depuis un bunker d'Azovstal. Le message est clair:
Deux jours plus tard, le monde peut plonger son regard à l'intérieur de l'usine assiégée. Le 10 mai, le régiment Azov publie des photos prises à l'intérieur d'Azovstal. On y voit notamment les blessés. Les blessures ou les membres amputés traduisent la violence des combats.
Le 16 mai, la Russie annonce avoir instauré un cessez-le-feu autour d'Azovstal pour évacuer les soldats ukrainiens blessés.
A partir de ce jour, 264 combattants ukrainiens retranchés à Azovstal se rendent. Ils sont transportés en territoire contrôlé par la Russie et les séparatistes pro-russes. La fin de la lutte approche.
Le siège se termine le 20 mai. Malgré les déclarations belliqueuses des officiers du régiment Azov, les résistants capitulent. Ce jour, les derniers soldats quittent l'usine après avoir reçu l'ordre de la part de Kiev d'arrêter de combattre.
Le 20 mai, le porte-parole du ministère de la défense russe annonce que l'aciérie est «passé sous le contrôle complet des forces armées russes». Selon Moscou, plus de 2400 militaires ukrainiens sont ainsi rendus. Le bilan du siège d'Azovstal n'est pas clair.
Les résistants ont été faits prisonniers par les Russes. Selon des rapports ukrainiens, de nombreux d'entre eux ont été maltraités ou torturés.
Une cinquantaine d'entre eux ont été tués fin juillet lors d'une attaque dans la prison d'Olenivka près de Donetsk, dans des circonstances qui restent à éclaircir.
Mercredi 20 septembre, Kiev a annoncé d'avoir rapatrié 215 prisonniers de guerre dans le cadre d'un échange. Moscou en récupère 55.
Au moins trois commandants d'Azovstal font partie des militaires ukrainiens libérés: il s'agit de Denys Prokopenko, Sviatoslav Palamar et Serhiy Volynsky. Ils ont été transférés en Turquie. (asi)