Vladimir Poutine a affirmé jeudi que l'armée russe avait pris le contrôle de la ville portuaire de Marioupol, un endroit stratégique dans l'est de l'Ukraine. Le Kremlin prévoit même d'y organiser un défilé de la victoire le 9 mai.
Les troupes russes ont en effet occupé la totalité de la ville. A une exception près: l'aciérie Azovstal, près du port, où sont retranchés les derniers résistants ukrainiens et un millier de civils.
Militairement parlant, cette usine métallurgique est une épine dans le pied pour les Russes: il s'agit d'un immense labyrinthe, disposant d'un réseau souterrain de tunnels d'une profondeur allant jusqu'à 30 mètres. La bombarder n'est pas donc très utile, il faut aller nettoyer sous terre, où les défenseurs ont l'avantage tactique absolu.
Poutine le sait. Au lieu de donner l'assaut, le chef du Kremlin a ordonné à ses soldats de bloquer la zone «de sorte que pas une mouche ne passe». Ce qui ne signifie rien de bon pour les occupants du site, désormais enterrés vivants: soit ils meurent de faim, soit ils devront tôt ou tard se rendre.
Mais quelle est la situation sur place? Les témoignages de deux soldats ukrainiens, récoltés par le Zeit et la BBC, donnent un aperçu des conditions de vie dans l'aciérie assiégée. Il est important de noter que ces informations ne peuvent pas être vérifiées de manière indépendante.
«Tous les bâtiments du site sont pratiquement détruits à cause des frappes russes», affirme à la BBC Svyatoslav Palamar, membre du controversé régiment Azov. Les Russes larguent des bombes brise-béton qui causent d'«énormes destructions».
Il y a des civils morts et blessés dans les bunkers, d'autres sont coincés sous les décombres, affirme Palamar. Les médicaments se font rares, ce qui affecte également les soldats.
«Environ 500 combattants gravement blessés ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin, y compris des interventions chirurgicales majeures telles que des amputations», continue l'Ukrainien.
Svyatoslav Palamar précise que les combattants ne se trouvent pas au même endroit que les civils, qui sont regroupés dans des bunkers au sous-sol. Il refuse de dire combien de soldats se trouvent encore dans le site. Selon la Russie, ils seraient 2000.
Autre problème: la nourriture. Après huit semaines de guerre et plus de 50 jours de siège, les réserves s'épuisent. «Nous nous nourrissons une fois par jour et mangeons très peu», témoigne dans le Zeit Sergueï Volyna, commandant de la 36e brigade de la marine ukrainienne. Avant d'ajouter:
«Nous sommes constamment en ligne de vue directe avec l'ennemi, et l'ennemi nous voit et essaie de nous tuer», poursuit le commandant, qui estime que, malgré tout, «le moral est haut».
«La situation est difficile. J'essaie de me ressaisir. Mais je sais que seul le moral de mes combattants sera déterminant. J'essaie donc de tenir bon, autant que possible», affirme-t-il.
Les témoignages de ces soldats confirment ce que les experts militaires affirment depuis des semaines: malgré ses nombreux atouts, l'aciérie ne peut pas tenir sur le long terme, non sans des ravitaillements ou une aide extérieure.
Est-il le temps de se rendre? Svyatoslav Palamar est catégorique: sans l'intervention d'un pays tiers, pas question de baisser les armes:
(asi)