Deux mois après le début de la guerre, personne ne sait encore comment envisager ne serait-ce que l'existence du bonhomme. C'est peut-être le destin de toute légende: Wali est considéré comme «le meilleur tireur d'élite au monde». Jugé par qui? Selon quoi? Allez savoir quelle munition l'anime et qui conserve, bien au chaud, le véritable CV du sniper «aux 40 morts par jour».
Une chose est sûre, le Franco-Canadien dégaine au moins aussi vite son arme que son bagout. Moins bien sapé que Bernard Henri-Levy et moins baraqué que Rambo, on le sait simplement au front, en Ukraine, depuis deux mois. De sa propre initiative. Il dévoile parfois des photos, poste des vidéos sur Internet, donne des interviews dans des décors de bunker de fortune. Mais son emploi du temps (comme son tableau de chasse) restera inexorablement tributaire des propres dires du héros. Ça tombe bien, Wali a de nouveau parlé cette semaine. Et ça démarre fort:
Ces mêmes Russes qui, il y a un mois, annonçaient l'avoir descendu à Marioupol. Mais Wali ne meurt jamais. (Les légendes, non plus.) Ces derniers jours, l'ancien soldat du Royal Canadian 22nd Regiment, au sein de l'armée canadienne, était dans la région d'Irpin: «Chaque petit son agaçait les Russes, ils visaient les fenêtres d'où ces bruits venaient.» Voilà. L'homme raconte toujours ses aventures par petits à-coups, comme autant de haïkus de la guerre. Jamais trop précis, toujours suffisamment alléchant. Hollywood s'est déjà montré moins inspiré que ce mari et papa d'une petite fille d'un an, resté (évidemment) au Canada.
Ce que Wali aime bien faire (aussi), c'est se moquer doucement de l'ennemi. Le tireur d'élite n'en rate jamais une pour flanquer une rasade de soufflets aux soldats russes. Durant un entretien «exclusif» avec le grand journal allemand Bild, ce week-end, il en a rajouté une couche: «S'ils étaient juste un peu meilleurs, ils pourraient écraser les défenseurs ukrainiens. Surtout, ils n'ont pas un esprit combatif élevé.» Concernant les récentes batailles à l'est du pays, Wali décrit des Russes qui «n'agissent pas intelligemment», et qui ont «terriblement peur». Tiens, prends ça, Vladimir.
Il y a quelques jours, il s'est également confié à BFM TV (sans préciser si c'était aussi «exclusif» qu'avec Bild). Casquette sur le front et treillis sur le dos, il raconte, en call vidéo, être tout juste de retour du front est, qui «ressemble un peu à la Seconde Guerre mondiale». C'est très violent, dit-il. «Nous avons eu beaucoup de pertes pour être bien francs. Des collègues sont morts à deux pas de moi.»
Cartésien, il a également pris le temps d'expliquer des choses simples: «Les tranchées, ça fonctionne. Il faut les utiliser. J'étais avec des soldats ukrainiens sans expérience et je leur ai dit: ne sortez pas fumer, c'est dangereux.» Emotions, mots d'humains, détails flous: la recette fait mouche.
Quand le journaliste lui demande une analyse du rapport de force entre l'armée russe et l'armée ukrainienne, Wali botte une première fois en touche en renvoyant à sa page Facebook «pour que les personnes intéressées puissent avoir plus d'informations». Mais... ce fameux rapport de force alors? «Ah, oui: il est évidemment à l'avantage des Russes. En revanche, le terrain est facile à défendre. Leur progression est très, très lente.»
Toute la vérité, rien que la vérité? Si personne ne remet en question sa présence sur les différentes zones de guerre (de l'Irak à l'Ukraine), le reste est une légende entretenue à grands récits. Dans un documentaire sur «sa» guerre contre Daesh, Wali laisse échapper une petite faiblesse narcissique de rien du tout, mais qui prouve qu'il est (un peu) plus important que la cause qu'il voudrait défendre:
Stéphane Leman-Langloi, professeur à la Faculté des sciences sociales de l'Université Lavalle au Canada, considère Wali comme un soldat «macho-militaro-humanitaire», qui envisage la guerre comme une télé-réalité.
Le sniper-star est en tout cas très vite devenu l'emblème de ces combattants occidentaux partis en Ukraine pour se battre aux côtés des milices de Zelensky. Et Aurélie Campana, professeure canadienne, résume plutôt bien l'existence du mythe: «L’importance de son action sur le plan militaire est mineure, tandis que l’importance de la portée symbolique de son action est très forte.»
Wali, ce n'est donc ni BHL, ni Rambo. Mais il y a assurément un petit côté Jean-Claude Van Damme dans le cœur de cet influenceur de la guerre.