Que des chefs d'Etat et de gouvernement européens tels qu'Emmanuel Macron, Keir Starmer ou Friedrich Merz poussent Donald Trump à soutenir davantage l'Ukraine, alors que le président américain oscille entre dureté et complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine, c'est là une répartition bien connue des rôles dans la politique occidentale à l'égard de l'Ukraine.
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Mais aujourd’hui, Trump pousse les Européens à passer à l’acte, ce qui pourrait les mettre dans une situation délicate. Sa rencontre imminente avec Volodymyr Zelensky et ses principaux soutiens européens a ravivé une question qui fait débat depuis des années: après un éventuel cessez-le-feu, faut-il déployer des troupes occidentales en Ukraine pour prévenir toute nouvelle agression russe?
Comme Trump semble peu disposé à envoyer des soldats américains en Ukraine, les Européens pourraient bientôt se retrouver contraints de prendre une décision. Pour le Français Emmanuel Macron et le Britannique Keir Starmer, qui envisagent depuis un certain temps la création d’une «coalition des volontaires» européenne, ce n’est pas un problème aussi épineux que pour l'Allemand Friedrich Merz, qui devrait faire face à une opposition considérable dans son propre pays s’il décidait d’envoyer des soldats de la Bundeswehr vers l’Est.
L’Ukraine se retrouverait alors, d’une certaine manière, dans une position similaire à celle des membres de l’Otan, bien qu’elle ne fasse pas partie de l’alliance militaire occidentale. En cas d’agression russe, les troupes occidentales seraient tenues de défendre le pays.
Pour les Britanniques, les Allemands, les Français et les autres pays de l'Otan, cela signifierait qu'ils seraient en guerre contre la Russie. Un tel scénario serait sans doute exploité à fond par les partis de droite et de gauche, si les plans de déploiement de soldats de l'Otan en Ukraine se concrétisent. Ils trouveraient sans doute un large écho en Allemagne, où les partis radicaux de droite comme de gauche: l'AfD, le Parti Die Linke et le mouvement Sahra Wagenknecht (BSW) bénéficient déjà d'un soutien relativement important de la part des Allemands qui, bien que minoritaires, montrent plus de compréhension pour l'agresseur que pour la victime.
La crainte que ce sujet devienne un levier pour l'AfD, le BSW et les gauchistes est déjà évidente à Berlin – et pourrait aussi devenir un fardeau pour la coalition au pouvoir du chancelier Merz: le vice-chancelier Lars Klingbeil déclare que si un cessez-le-feu est atteint, «tout devra être discuté», y compris l'envoi de troupes.
La base du Parti social-démocrate de Lars Klingbeil penche probablement davantage en faveur de Johann Wadephul, le ministre des Affaires étrangères chrétien-démocrate, qui insiste pour que l'Allemagne se concentre sur la défense du territoire de l'Otan, rappelant que la Bundeswehr a déjà une brigade stationnée en Lituanie, un Etat balte qui est également considéré comme une cible potentielle d'attaques russes.
En agissant ainsi, Wadephul n’a probablement pas aidé son collègue Merz. En effet, si Starmer et Macron poursuivent leurs projets mais que l’Allemagne refuse de s’y associer, le chancelier, qui a toujours été un soutien ferme de l’Ukraine, se retrouverait dans une position embarrassante. Aux yeux de ses alliés européens, mais aussi des Ukrainiens, l’Allemagne redeviendrait la puissance hésitante qu’elle était sous le précédent chancelier, Olaf Scholz.
De plus, des tensions plus importantes entre les pays européens de l’OTAN sont à prévoir: «Mourir pour Kiev?» pourrait-on entendre en France, en référence à un slogan des années 1930. Et ce, tandis que les Allemands ne sont pas prêts à s'engager?