Au cours de la première année qui a suivi sa fuite, Olga Cheïko, réfugiée ukrainienne en Pologne, a pris 25 kilos, ce qu'elle attribue au coût psychologique de la guerre. De nombreuses autres femmes sont dans la même situation, trois ans après l'invasion russe en Ukraine.
Tandis que la guerre entre dans sa quatrième année, cette femme de 42 ans n'a jamais cessé de suivre l'actualité, craignant pour sa famille et ses amis à Kiev, Odessa et à Zaporijjia, la ville méridionale où elle est née.
Les bombardements et les destructions ont maintenant atteint toutes les villes d'Ukraine et «vous ne savez pas ce qui se passera demain». Et à Olga Cheïko de souligner:
Sur les 900 000 réfugiés ukrainiens vivant en Pologne, 90% sont des femmes et des enfants. Leur santé mentale varie en fonction de leur expérience, de leur capacité d'adaptation et de leur origine. Beaucoup sont encore épuisés et commencent seulement à prendre conscience de leur état.
«Au début de la guerre, le stress aigu était plus intense», explique Tetiana Moïsseïeva, une psychothérapeute qui anime des ateliers de soutien psychologique dans la capitale polonaise. La guerre se prolongeant, les femmes se battent avec une «fatigue accumulée» contenue. L'experte relève:
Les participants aux ateliers partagent leurs sentiments, assis en cercle, un exercice qui fait souvent jaillir des larmes jusqu'alors contenues. Selon Tetiana Moïsseïeva, beaucoup de ses clients se tournaient vers les antidépresseurs pour faire face aux effets d'un traumatisme refoulé, comme Diana Sozonova, une réfugiée de 23 ans originaire de Kiev. Elle avait déjà souffert d'une grave dépression. Le déclenchement de la guerre a entraîné une rechute. «J'ai commencé à avoir des pensées suicidaires», confie-t-elle.
Elle avait prévu de retourner vivre en Ukraine mais l'anxiété l'en a empêchée, provoquant une peur paralysante la dernière fois qu'elle s'est rendue dans la partie occidentale de son pays, relativement plus sûre.
Olga Poliovnytcha, 37 ans, a fui la capitale ukrainienne avec son fils de trois ans. Aujourd'hui installée dans un confortable appartement comprenant deux chambres, elle travaille à distance pour une agence de publicité en Ukraine. Le chemin vers la stabilité a été difficile: «C'est la colère qui me faisait fonctionner mais, au bout d'un an, je n'en pouvais plus», raconte Olga, originaire de Kherson, dans le sud de l'Ukraine. Et de poursuivre:
Elle dit qu'elle se sentait coupable et avait honte: alors que les gens souffraient en Ukraine, elle allait mieux. Lorsque le stress aigu est passé, elle a sombré dans une dépression.
Selon Maryna Mazourak, la coordinatrice du Club des femmes ukrainiennes à Varsovie, il y a «toujours une demande de soutien psychologique» chez les réfugiés:
Son club organise des activités presque tous les jours et les places gratuites sont prises en quelques minutes. «L'art-thérapie, l'artisanat, les activités physiques, tout cela vise à aider à l'autorégulation émotionnelle et psychologique», note-t-elle.
Les femmes membres d'un groupe qui se réunit chaque semaine en vue de tisser des filets de camouflage pour l'armée de Kiev sont devenues particulièrement proches. L'année dernière, les bénévoles ont célébré Noël ensemble.
Pour Olga Cheïko, toutes les réfugiées ukrainiennes ont quelque chose en commun:
Alors que naguère les vacances et les vernissages de ses expositions avaient donné un sens à sa vie, aujourd'hui tout cela «a cessé d'avoir de l'importance».