Ce sont des images que l'on n'oublie jamais. Des soldats russes tentent de se mettre à l'abri après un violent bombardement de leur tranchée. Une escouade de trois hommes recule et s'arrête quelques secondes en rase campagne, une erreur qui s'avérera fatale. L'obus de Himars touche au but, des morceaux de corps volent dans les airs. La force de la détonation renverse des soldats qui se trouvaient à des dizaines de mètres de l'impact.
La scène a été filmée par un drone de surveillance ukrainien à proximité de l'ancienne ville de Bakhmout, dans la région de Donetsk. Là où vivaient autrefois 70 000 habitants, il ne reste aujourd'hui qu'un front de 15 kilomètres de tranchées et des maisons en ruines. Les experts comparent la situation ici aux combats de tranchées de la Première Guerre mondiale. Mais il y a une différence: la précision dévastatrice.
Cette vidéo de drone est l'une des dizaines qui font actuellement le tour de différents canaux de médias sociaux. Une autre montre une attaque contre une position russe à un carrefour routier. Une fois de plus, les obus d'artillerie ukrainiens atteignent leur cible avec précision. Les fantassins n'ont aucune chance.
Tout comme un train d'unités russes. Celui-ci est observé par un pilote de drone ukrainien alors qu'il se positionne entre des immeubles d'habitation bombardés. Les coordonnées sont transmises et un lance-grenades automatique, made in USA, se charge du reste. Les Russes s'enfuient dans la panique. Mais ils sont impuissants face à l'espion invisible dans le ciel. L'un après l'autre, ils se font démolir. Il ne reste qu'un champ avec une demi-douzaine de cadavres.
La Russie aurait perdu plus de 6000 soldats au cours des deux dernières semaines de novembre. C'est ce que rapporte l'état-major ukrainien. Selon les estimations de l'ancien colonel ukrainien Sergueï Grabsky, entre 120 et 250 morts russes s'ajoutent actuellement chaque jour autour de Bakhmout. Il s'agirait surtout de mercenaires de Wagner, mais aussi de soldats fraîchement enrôlés qui n'ont pas pu échapper à la mobilisation.
Grabsky chiffre les victimes ukrainiennes quotidiennes à «30 à 50 soldats». Ces chiffres ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante. La Russie dément et fait elle-même état de pertes ukrainiennes massives. «Nous devons accepter que dans ce conflit, les pertes sont énormes des deux côtés», poursuit Grabsky:
Le jour, les conscrits mal équipés, la nuit, les troupes d'élite de Wagner. Dans ce genre de guerre de tranchées, les forces de défense ont généralement l'avantage. Sur les médias sociaux, le terme «meatgrinder» («hachoir à viande») s'est établi depuis longtemps.
Malgré cela, la région de Bakhmout est la seule où la Russie peut parfois enregistrer des gains territoriaux. Mais le tribut de sang est énorme. La raison pour laquelle les envahisseurs tentent avec tant d'acharnement de prendre le contrôle de la ville détruite est controversée.
Certains affirment qu'il s'agit d'un important nœud de communication. Bakhmout serait la dernière pièce du puzzle dans la conquête complète de la région de Donetsk.
D'autres, comme Grabsky, minimisent l'importance stratégique. Il pense que cette bataille d'usure inhumaine est une question d'argent. La troupe de mercenaires Wagner aurait reçu l'ordre du Kremlin de s'emparer de la ville. En cas de succès, une prime élevée serait versée. Une réussite est également capitale sur le plan politique pour le chef de Wagner, Evgueni Prigojine: son statut de général impitoyable mais couronné de succès serait ainsi cimenté. Et il continuerait à s'élever dans la hiérarchie de Poutine.
Pendant ce temps, les chaînes de propagande russes montrent également leurs succès à Bakhmout par des images de drones. Le bâtiment jaune vif au cœur de la ville est en ruines. C'était autrefois un jardin d'enfants.
La gare est déjà sous contrôle, rapporte une chaîne publique russe, qui montre des troupes tchétchènes devant le bâtiment de la gare. Mais il y a un hic. Ces messieurs barbus appartiendraient au bataillon «Cheikh Mansour». Celui-ci combat aux côtés de l'Ukraine.
(traduction par sas)