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Un logiciel russe a condamné ses propres soldats pour crimes de guerre

Un logiciel de surveillance russe se retourne contre le Kremlin

La reconnaissance faciale est considérée comme un danger pour la liberté. Beaucoup veulent l'interdire. Pourtant, dans la guerre en Ukraine, elle permet d'élucider bien des atrocités.
06.06.2022, 08:05
Le sergent russe capturé Vadim Shishimarin se tient debout après qu'un tribunal ukrainien l'a condamné à la prison à vie à Kiev, en Ukraine, lundi 23 mai 2022.
Le sergent russe capturé Vadim Shishimarin se tient debout après qu'un tribunal ukrainien l'a condamné à la prison à vie à Kiev, en Ukraine, lundi 23 mai 2022.Image: keystone
Adrian Lobe / ch media
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Il y a quelques jours, le New York Times a publié un rapport qui, sur la base de témoignages et de vidéos, montre comment des parachutistes russes exécutent des civils ukrainiens dans la banlieue de Kiev, à Boutcha. Sur les images d'une caméra de surveillance, on peut voir neuf hommes conduits en position courbée à travers une rue par deux soldats armés.

Pendant des semaines, les reporters ont rassemblé des preuves de possibles crimes de guerre dans le cadre de leur enquête, en faisant un vrai travail de détective. Ils ont interrogé des témoins, analysé des comptes rendus de conversations et photographié des emballages de munitions. Ils ont finalement pu déterminer l'identité des victimes grâce à des plateformes de réseaux sociaux russes.

La base de données récoltées, avec ses milliards de photos et de vidéos, est une mine d'informations non seulement pour les enquêteurs, mais aussi pour les journalistes. Chaque jour, 95 millions de photos sont téléchargées rien que sur Instagram. La probabilité que des indices décisifs se trouvent sur ces images est grande. Le Congrès américain a donc demandé aux grandes plates-formes comme Tiktok, Twitter, Youtube et Meta d'archiver les téléchargements afin de préserver les preuves d'éventuels crimes contre les droits de l'homme. Le monde assiste non seulement à la première «guerre de Tiktok», mais aussi à la plus grande procédure d'enregistrement de preuves de l'histoire.

Un logiciel russe démasque ses propres soldats

Le média en ligne russe iStories, bloqué en Russie pour avoir prétendument diffusé de fausses informations, a révélé l'identité d'un membre de l'unité de parachutistes russes à partir d'une photo prise sur un réseau social. Le journaliste d'investigation Christo Grozev, du célèbre réseau de recherche Bellingcat, a confirmé l'information sur Twitter. On peut donc partir du principe que le logiciel est fiable.

La recherche se déroule donc comme suit: des photos de presse ou sur les réseaux sociaux montrant des soldats inconnus servent de matériel de base. S'il existe, sur Internet, une autre photo de la même personne accompagnée de son nom, il devient donc relativement facile de l'identifier. Les soldats perdent ainsi leur anonymat et deviennent des personnes avec un nom et une adresse.

Pour retrouver des militaires ou des agents des services secrets russes, les journalistes parcourent par exemple la toile en utilisant entre autres Findclone, une reconnaissance faciale développée par un fabricant de logiciels russe, qui compare les photos avec les profils de Vkontakte, l'équivalent russe de Facebook. Grâce à une version-test de Findclone, des journalistes du magazine technique Wired ont pu, en outre, identifier un soldat russe qui avait été fait prisonnier en Ukraine. Il n'a pas fallu plus de cinq minutes pour que les chercheurs tombent sur un profil dans Vkontakte – avec date de naissance et photos de membres de la famille. C'est donc un logiciel russe qui démasque les soldats russes.

La reconnaissance faciale aussi de mise

Le gouvernement ukrainien utilise également des algorithmes de reconnaissance faciale tels que le logiciel de la société américaine Clearview AI pour identifier les corps de soldats russes et informer les familles. Ce logiciel, utilisé par des milliers d'agences gouvernementales américaines, permet de rechercher des visages simplement en appuyant sur un bouton. D’après ses propres indications, Clearview AI aurait constitué une base de données biométriques de dix milliards de photos extraites de plateformes telles que Facebook, Instagram et Twitter. En comparaison, la base de données du FBI, qui compte environ 640 millions de photos, paraît presque insignifiante.

Clearview AI a longtemps été considérée comme le mal incarné. L'entreprise new-yorkaise est confrontée à de nombreuses procédures juridiques et a récemment dû payer une amende de plusieurs millions de dollars pour avoir enfreint la protection des données au Royaume-Uni. Mais maintenant qu'un pays souverain est envahi, cette technologie apparaît sous un jour nouveau.

La guerre en Ukraine a brisé de nombreux tabous: des pacifistes convaincus appellent à la livraison d'armes, et les défenseurs des données, qui hier encore voulaient voir la reconnaissance faciale bannie de l'espace public, changent d'avis. En effet, l'intelligence artificielle est une arme efficace contre les criminels de guerre: elle identifie des visages recherchés dans d'immenses ensembles de données, démasque ainsi les coupables et donne un nom aux victimes.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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