Forcément, la rencontre entre Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Mario Draghi et leur homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le 16 juin, avait de quoi mettre Moscou en rogne. Quelques heures avant ce rendez-vous historique, le chef du gouvernement russe, Dmitri Medvedev, n'a pas caché son agacement, à coups de métaphores culinaires, entre cuisses de grenouille et saucisses au foie. Petit rappel👇
L'intéressé s'était également fendu d'une pique sur les moyens de locomotion des dirigeants européens pour se rendre à Kiev: le train, comme il y a «100 ans», ricane Medvedev qui conclut que «cela ne rapproche pas l'Ukraine de la paix. Et le temps presse».
Pour sa part, le média politique moscovite Moscow Komsomolets a tenté, jeudi soir, de décortiquer les objectifs de cette rencontre historique avec un spécialiste, le politologue militaire Andrey Koshkin. Un pur moment d'anthologie dans lequel l'expert se répand en analyses politiques troublantes, entre perspectives «de domination mondiale» du Royaume-Uni et un descriptif peu reluisant de l'alliance occidentale:
Andrey Koshkin en est persuadé: Macron, Scholz et Draghi se sont rendus à Kiev pour résoudre un problème. Il affirme que l'Ukraine serait «incapable» de gagner militairement le conflit, plus encore de «détruire la Russie». Il faut donc au trio européen élaborer une «feuille de route» pour s'en tirer de manière pacifique, en persuadant Zelensky de faire des concessions.
Dans une interview accordée à NTV, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a partagé un constat similaire. Selon lui, si «Kiev a échoué à poursuivre les négociations» avec la Russie pour le moment, c'est précisément à cause du «manque d'indépendance de ses autorités». Pour Lavrov, Zelensky reçoit «des instructions de ses maîtres à Washington et à Londres».
Un expert russe à l'Institut international d'études humanitaires et politiques a partagé la même idée auprès de Russian RT. D'après Vladimir Bruter, «Kiev agit sur les instructions des Etats-Unis dans toutes les questions politiques importantes».
«Après tout, Washington doit épuiser la Fédération de Russie, l'affaiblir, ralentir son développement et l'empêcher de continuer à défendre ses intérêts», achève l'expert russe.
Questionné par le même média, Russian RT, le docteur en sciences politiques Andrei Manoilo estime que si les négociations entre Moscou et Kyiv reprennent, «elles seront menées par les Etats-Unis». Le chercheur assure encore que la Russie n'a qu'un «noble» objectif: «Transformer l'Ukraine au moins en un Etat neutre».
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a pour sa part donné son avis sur cette rencontre entre les Européens et le président ukrainien dans une interview au média russe Izvestia. Le fonctionnaire se montre un peu moins courroucé que son supérieur, le chef du gouvernement Dmitri Medvedev.
Pour lui, tout dialogue est bon à prendre, «même s'ils sont des contributeurs actifs d'une même machine, un Occident collectif». Le secrétaire d'Etat de Poutine est formel: les efforts qui pourraient éloigner Kiev «de l'état du régime qui existe actuellement en Ukraine» sont capitaux.
Son chouchou dans cette délégation européenne? Incontestablement, Emmanuel Macron. Peskov n'a pas caché son admiration pour le président français, dont il apprécie «hautement les qualités» et la «position constante». Et ce, «malgré les différences fondamentales existantes à l'heure actuelle».
Par ailleurs, précise vendredi Moscow Komsomolets, le président français, à l'issue de sa visite à Kiev, a affirmé qu'il n'écartait pas la possibilité d'une rencontre avec son homologue russe... sous certaines conditions. A ce sujet, Dmitri Peskov conclut que «Poutine est ouvert au processus de négociation» avec l'Ukraine.
Cette ambivalence diplomatique n'est toutefois pas du goût de tous. L'aptitude de Macron à négocier à la fois avec Zelensky et Poutine n'a pas manqué d'agacer le politologue russe Andrey Piontkovsky.
Quelques jours avant le sommet historique de Kiev, l'auteur a fustigé, dans une interview rapportée par le média ukrainien Dialog, le fait que la France et l'Allemagne – aimablement surnommés les «laquais» de Poutine – jouent le jeu du Kremlin pour tenter de conserver leur leadership et leur poids géopolitique.
Il affirme que le trio aurait proposé au président ukrainien son statut de candidat à l’Union européenne (UE) en échange d’une capitulation face à la Russie.
A l'issue de la rencontre le 16 juin, l'auteur auprès du média ukrainien Focus s'est montré plus optimiste. Il a salué «une brillante victoire pour la diplomatie ukrainienne», dont Zelensky en serait sorti grand vainqueur. Contrairement aux «fonctionnaires occidentaux corrompus» à la botte du Kremlin, peste-t-il.
«Macron, en tant qu'animal politique le plus rusé, a compris l'humeur des Ukrainiens», juge Piontkovsky. Quant à ses déclarations précédentes, selon lesquelles la Russie ne devait pas être humiliée et qu'il était nécessaire de négocier, l'expert note que: