Mascha a dessiné un drapeau russe et un drapeau ukrainien, avec, au crayon noir, une femme et un enfant sur lesquels tombent des bombes en provenance du drapeau russe. Elle a inscrit «Non à la guerre» et «Gloire à l'Ukraine».
Maria Moskaliova, appelée Macha, est originaire de la petite ville d'Efremov, à près de 320 kilomètres au sud de Moscou. Du haut de ses 13 ans, elle s'est révélée comme une «traîtresse», selon son école et les services de sécurité russes. Son «crime»? Elle aurait remis en question tout ce que l'État tente de vendre comme «cause juste» depuis son invasion de l'Ukraine le 24 février 2022.
Les personnes comme Mascha, le président Vladimir Poutine les qualifie de «traîtres», de «racailles» qu'il faut détruire. Impossible d'échapper à l'immense machine qu'est la répression. Même s'il s'agit d'enfants.
La jeune Mascha a été placée dans un foyer. Son père, Alexeï Moskaljov, qui l'élève seul, risque une peine de trois ans de prison pour avoir «discrédité l'armée russe». Il est actuellement assigné à résidence. Mercredi, un tribunal du district de Jefremov devait décider d'une restriction du droit de garde.
La juge a finalement fait savoir qu'il s'agissait uniquement d'un entretien et que la véritable audience aurait lieu le 6 avril. Le père et la fille restent séparés. La commission locale pour les mineurs maintient sa conviction que Alexeï Moskaljov enseigne à sa fille un «faux amour pour la patrie» et qu'il n'est donc pas capable de s'occuper de Mascha «de manière adéquate».
La mère de l'enfant a quitté la famille lorsque Mascha avait trois ans. La jeune fille n'a pas d'autres parents proches. Le père, un éleveur d'oiseaux de 54 ans, s'est occupé seul de sa fille.
Sur ses réseaux sociaux, il n'a jamais caché sa position critique sur la guerre en Ukraine.
S'en est suivi une amende d'ordre pour avoir «discrédité l'armée russe», deux amendes de ce type conduisent à une procédure pénale et peut-être à une détention.
Peu de temps après, Mascha a fait son dessin dans le cours d'art de son école secondaire, qui présente sur son site Internet des enfants en uniforme et toutes sortes de Z, le symbole de la guerre de la Russie en Ukraine. L'enseignante de Mascha a trouvé le dessin «antipatriotique». La direction a appelé la police.
Pour Mascha et son père, c'est le début d'une flopée d'interrogatoires, de perquisitions et d'accusations. Les services de protection de l'enfance considèrent désormais la famille comme «défavorisée» et dénoncent les «conditions de pauvreté» dans lesquelles le père et l'enfant auraient vécu. L'avocat de la famille parle d'un «père normal qui aime sa fille».
Mascha n'a plus de contact avec son père depuis deux semaines. Le «centre de réhabilitation sociale» de la ville, un foyer pour enfants en situation de crise, a fait savoir que l'enfant s'était repliée sur elle-même après l'arrestation de son père et ne parlait à personne.
Le Kremlin se mêle de plus en plus de l'éducation et considère toute opinion divergente comme un acte hostile à l'État. Le cas de Mascha est dramatique, mais il n'est pas isolé. Il est fréquent que les enseignants dénoncent leurs élèves aux autorités de sécurité. Pour quels motifs? Par exemple parce qu'ils utilisent une photo de profil aux couleurs nationales ukrainiennes, parce qu'ils écrivent aux soldats partis au front pour leur demander de revenir et de ne plus être des assassins, ou parce qu'ils refusent de participer dans les cours de patriotisme.
L'Etat ne tolère qu'une seule opinion sur l'Ukraine: celle d'une menace à l'encontre de la Russie, par des forces prétendument nationalistes qui seraient attisées par l'Occident.