La liste des armes non conventionnelles que la Russie aurait utilisées en Ukraine s'allonge. Après les roquettes thermobariques, les missiles hypersoniques et les bombes à sous-munitions, ce serait maintenant au tour des bombes au phosphore.
C'est du moins ce qu'affirment, depuis quelques jours, les autorités ukrainiennes, qui accusent l'armée russe d'avoir largué ces bombes sur les villes d'Irpin, située dans la banlieue de Kiev, et d'Izioum, au sud de Kharkiv. La localité de Roubijné, dans l’est du pays, aurait également été touchée. Ces informations ne sont pas encore confirmées.
Un élément parle toutefois en faveur des accusations ukrainiennes: les photos des bombardements fournies par le maire d'Irpin. Les armes au phosphore sont en effet très reconnaissables: elles provoquent une pluie lumineuse qui retombe vers le sol à la manière d'un feu d'artifice.
Comment ça marche? Il s'agit de bombes incendiaires qui, comme leur nom l'indique, exploitent les propriétés du phosphore blanc. Cet élément chimique s'enflamme au contact de l'air et peut ainsi brûler tissus, carburant et munitions. La combustion peut atteindre 1300 degrés.
Leur objectif principal est simple: enflammer, incendier. Et pas seulement des bâtiments. Quand des civils sont à proximité, les bombes au phosphore engendrent des brûlures extrêmement graves et d'aspect abominable, détaille un spécialiste cité par BFMTV.
Pour l'ONG Human Rights Watch (HRW), elles sont «parmi les armes les plus cruelles utilisées dans les conflits armés» et provoquent des dommages bien plus graves que ceux causés par les armes traditionnelles:
De plus, poursuit l'ONG, les douleurs infligées aux victimes pendant leur traitement sont «atroces». Les survivants souffrent souvent, entre autres, de défaillances d’organes et d’une moindre résistance aux maladies.
Ces terribles conséquences, couplées à leur aspect très visible, sont à l'origine d'un autre usage, plus psychologique: terroriser la population.
A noter que les munitions au phosphore ne sont pas exclusivement utilisées de manière offensive. Elles permettent également de créer des écrans de fumée, dissimuler les mouvements des troupes ou éclairer des zones de combat.
Les munitions au phosphore blanc sont courantes dans les arsenaux militaires de plusieurs pays, dont la Russie et les Etats-Unis. Elles ont été utilisées à partir de la première guerre mondiale et, plus récemment, en Irak, en Tchétchénie et en Afghanistan.
Leur usage constitue-t-il un crime de guerre? C'est compliqué. Ces munitions se situent dans une zone un peu floue du droit de la guerre, explique BFMTV. Les armes incendiaires, dont les bombes au phosphore font partie, sont encadrées par le Protocole III à la Convention sur certaines armes classiques. Problème: ses lacunes limitent son pouvoir juridique, précise HRW.
Si les accusations des autorités ukrainiennes se confirment, les actes de la Russie pourraient pourtant être considérés comme un crime: le protocole indique en effet qu'il est interdit de les utiliser pour frapper les civils. (asi)