La Suisse veut participer à la reconstruction de l'Ukraine à hauteur de plusieurs milliards. Mais lorsqu'il s'agit d'aide humanitaire concrète, c'est d'abord la bureaucratie qui se met en travers de son chemin. Cas concret: Saint-Gall souhaite offrir un camion de pompiers Mercedes inutilisé à une commune rurale du Donbass encore sous l'autorité ukrainienne.
Pour le transfert, nous avons besoin de ce que l'on appelle un formulaire de transit T1. Ce n'est pas une complexité suisse, mais une condition de l'UE pour pouvoir transporter des marchandises non européennes. Peu avant le départ, nous recevons un e-mail de l'Office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières. On y lit:
Berne s'occupe maintenant du camion de pompiers. Il faut vérifier si le véhicule Mercedes de 22 tonnes n'est pas du matériel de guerre, explique le spécialiste des douanes au téléphone. Ou si le véhicule n'était pas secrètement destiné aux troupes russes. En effet, la Suisse doit traiter tous les belligérants de la même manière.
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Après quelques heures, le moment est venu: le formulaire arrive et le camion peut maintenant franchir la frontière vers l'Autriche. Il était grand temps, car quatre membres des pompiers de milice de Saint-Gall ont pris quelques jours de congé spécialement pour ce voyage. Leur temps est donc limité.
La distance entre l'Autriche et la frontière slovaco-ukrainienne est d'environ 1300 kilomètres. A son approche, des kilomètres de bouchons de semi-remorques entravent notre route. Heureusement, les policiers nous font rapidement passer. L'avantage d'un camion de pompiers? Il est clair pour tout le monde qu'il s'agit d'aide humanitaire.
Les formalités douanières sont plus longues du côté slovaque que du côté ukrainien. Heureusement, les autorités du Donbass ont demandé à un douanier de la ville frontalière d'Oujgorod de nous accompagner dans notre marathon d'un bureau à l'autre. Une aimable courtière d'une entreprise privée donne un coup de main pour que le camion de pompiers puisse enfin repartir après des heures d'attente.
Entre-temps, la nuit est tombée et, à l'entrée d'Oujgorod, nous ne voyons d'abord pas les pompiers de l'est de l'Ukraine qui attendent depuis des heures sur le bord de la route dans le froid. Dans un dépôt de pompiers local, les Saint-Gallois remplissent le réservoir d'eau du camion afin d'expliquer aux Ukrainiens son fonctionnement. Malgré quelques difficultés linguistiques, les pompiers du monde entier se comprennent rapidement.
Les pompiers ukrainiens craignent la glace sur les routes des Carpates, qu'il faut traverser après Oujgorod. Ils insistent donc pour partir avant qu'il ne fasse de plus en plus froid. La distance à parcourir jusqu'au Dombass est plus longue (1400 kilomètres) que celle qui sépare la Suisse d'Oujgorod. De leur côté, les quatre Saint-Gallois rentrent en Suisse.
Deux semaines plus tard, nous croisons le camion de pompiers dans un village du Dombass. Il n'est pas en mission d'extinction. En raison de la guerre, l'approvisionnement en eau s'est effondré et les autorités ne disposent pas de camion-citerne. Le camion de pompiers intervient donc pour apporter de l'eau aux villageois.
La sirène du Mercedes rouge indique de loin aux habitants qu'ils doivent placer des bassins, des seaux et autres récipients d'eau sur le bord de la route. Le front n'est qu'à une quinzaine de kilomètres, nous entendons le bruit sourd de l'artillerie et nous croisons des militaires dans le village:
Une fois le travail terminé, le camion est caché dans un dépôt pour le protéger des attaques russes. Pendant ce temps, à la commune, les responsables ont dressé une table bien garnie de plats et de desserts pour fêter le nouveau véhicule.
Le tout est accompagné d'une eau-de-vie locale, le Samohon («clair de lune»), que l'on déguste de préférence avec un morceau de lard ukrainien bien gras. C'est un remerciement chaleureux pour l'aide apportée par la Suisse.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)