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En manque de financements, l'Ukraine utilise une arme cruelle

Face à une Russie impitoyable, l'Ukraine a recours à une arme terrible.
Les mines antipersonnel ont une durabilité exceptionnelle, ce qui en fait un problème durant des décennies, capable de détruire des vies bien après la fin des conflits armés.Image: Sergey Kozlov / EPA / Pascal Bastien / AP

L'Ukraine veut recourir à une arme terrible pour son futur

L'Ukraine veut se retirer de la Convention d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel. Kiev justifie cette décision notamment par l'attentisme de ses partenaires occidentaux.
02.07.2025, 05:3502.07.2025, 05:35
Stefan Schocher / ch media
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Les mines terrestres sont une réalité quotidienne en Ukraine. La production d'un exemplaire de cette arme efficace mais très problématique ne coûte pas plus de 75 dollars. Dans un conflit où l'aide militaire et les financements se font de plus en plus rares, elles sont devenues une sorte de solution défensive de dernier recours.

La semaine dernière, le dirigeant russe, Vladimir Poutine, déclarait:

«Là où un soldat russe pose le pied, ce territoire appartient à la Russie»

Désormais, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé un décret officialisant la sortie de l'Ukraine de la Convention d'Ottawa, qui interdit l'usage des mines terrestres. A l'instar de l'Ukraine, la Finlande, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne, tous des pays situés à la frontière occidentale de la Russie, à l'exception de la Biélorussie, ont également annoncé leur retrait.

Clin d'œil à l'Ouest: l'Ukraine se retire de la Convention d'Ottawa.
L'Ukraine se retire de la Convention d'Ottawa.Image: Pascal Bastien / AP

Pourquoi cette interdiction d'usage?

Les mines terrestres sont une arme sournoise. Conçues pour durer, elles résistent à toutes les intempéries, sont camouflées et réagissent généralement à la pression ou aux vibrations. Selon la taille de leur charge explosive, elles ciblent soit des personnes, soit des véhicules blindés.

L'expérience montre qu'une fois posées, ces mines restent un véritable problème pendant des décennies. Cartographier les champs de mines ne suffit pas, car celles-ci peuvent se déplacer avec le sol, s'enfoncer, être déplacées ou rejetées ailleurs par les intempéries, ou rester dissimulées sous la terre.

Pour le déminage, les moyens technologiques restent insuffisants, car ces armes sont conçues pour détruire des cibles blindées. Il ne reste donc souvent que la désactivation manuelle par des spécialistes. Mais cette méthode est très dangereuse, notamment lorsque les intempéries dégradent les détonateurs.

Andriy, de l'équipe combinée de déminage de la police, nettoie des mines près de la ville de Kharkiv, dans l'est de l'Ukraine, le 24 octobre 2023, en pleine guerre d'agression russ ...
Andriy, de l'équipe combinée de déminage de la police, nettoie des mines près de la ville de Kharkiv, dans l'est de l'Ukraine, le 24 octobre 2023.Image: Sergey Kozlov / EPA

Dans des pays comme la Bosnie-Herzégovine, le Laos ou l'Ukraine, reconnaître les mines fait donc partie de l'éducation de base à l'école primaire. Et ce, pour une seule raison: c'est une question de survie.

De grandes puissances n'ont jamais signé

Les mines terrestres se situent dans une zone juridique grise. La Convention d'Ottawa de 1999 est contraignante pour les Etats signataires. Selon ce traité, ils se sont engagés à renoncer à l'utilisation, à la production et au stockage des mines antipersonnel. Les stocks doivent être détruits et les champs de mines nettoyés.

Des panneaux d'avertissement signalent la présence de mines terrestres à proximité de lignes électriques endommagées.
Des panneaux d'avertissement signalent la présence de mines terrestres à proximité de lignes électriques endommagées en Ukraine.Image: Scott Peterson / Getty

166 Etats ont signé la convention, et 133 l'ont effectivement ratifiée. Cependant, de nombreux pays importants ne l'ont pas signée, parmi eux la Russie, ainsi que la Chine, l'Inde, l'Egypte ou les Etats-Unis.

L'Ukraine a signé la Convention en 2005, à une époque où aucun conflit avec la Russie voisine n'était envisagé. Les conflits conventionnels entre armées régulières paraissaient alors relever du passé.

Aujourd'hui, l'Ukraine est l'un des pays les plus minés au monde: on estime qu'environ 137 000 kilomètres carrés y sont tavelés, incluant des terres agricoles importantes. Cette estimation ne fait toutefois pas de distinction entre des zones délibérément minées et des régions où un grand nombre de munitions non explosées seraient présentes.

Un panneau portant l'inscription «Attention mines» se trouve le 13 septembre 2022 sur une route près de la ville récemment reconquise de Balaklija dans la région de Kharkiv, en Ukraine.
Un panneau portant l'inscription «Attention mines» se trouve le 13 septembre 2022 sur une route près de la ville de Balaklija dans la région de Kharkiv, en Ukraine.Image: Sergey Kozlov / EPA

Les armes à fragmentation posent aussi problème: récemment, la Russie a bombardé la métropole de Kiev avec de telles munitions. Ce type d'ogive libère près du sol de petites charges explosives qui se dispersent en pluie sur une zone. Beaucoup de ces petites charges n'explosent pas immédiatement, ce qui constitue un danger permanent.

Les Russes ont miné des jouets

Zelensky a justifié la sortie désormais annoncée de l'Ukraine de la Convention d'Ottawa en soulignant que la Russie n'a jamais été partie au traité et qu'elle utilise de manière cynique «tous les moyens à sa disposition pour détruire des vies».

Même aux environs de Kiev, de nombreuses zones étaient encore sous occupation russe durant la première moitié de 2022, où la présence de mines est fortement suspectée. Il est également confirmé que les troupes russes ont piégé avant leur départ des objets du quotidien, y compris des jouets. Cependant, les ressources financières et humaines manquent encore pour procéder à un déminage systématique de ces territoires.

Zelensky a d'ailleurs déclaré:

«On observe comment nos voisins européens réagissent à cette menace. Les mines antipersonnel sont souvent un instrument contre lequel il n'existe pas de réel moyen de défense.»

On pourrait facilement y voir un message clair. Moins l'aide étrangère arrive en Ukraine, plus Kiev est contraint de recourir à des solutions défensives bon marché simples et efficaces, même si l'on sait que cela aura des conséquences à long terme.

Traduit et adapté par Noëline Flippe

La Fondation suisse de déminage (FSD) est active en Ukraine pour lutter contre les mines.
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La Fondation suisse de déminage (FSD) est active en Ukraine pour lutter contre les mines.
La formation de démineurs locaux est au centre de l'action de la FSD en Ukraine.
source: fsd
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En Ukraine, les voitures slaloment entre les mines
Video: watson
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