Un détail trahit le véritable auteur du plan de paix pour l'Ukraine
Le premier plan de paix présenté par Washington pour mettre fin à la guerre, un document de 28 points depuis largement remanié en faveur de l’Europe et de l’Ukraine, semble porter la marque du Kremlin.
Le Guardian révèle que certains passages du texte adoptent une tonalité rappelant fortement le langage employé par Vladimir Poutine. Ils semblent même avoir été rédigés, à l’origine, en russe.
Des segments de texte très révélateurs
Et pas dans la langue souple et mélodieuse de Dostoïevski, Tolstoï ou Tchekhov. Plutôt dans ce russe pesant, saturé de tournures passives, typique des apparatchiks de l’URSS d’hier et des despotes russes d’aujourd’hui.
Le Guardian cite notamment la formulation «It is expected», une expression quasiment jamais utilisée en anglais tant elle est lourde. Elle correspondrait littéralement à «il est prévu que».
Une tournure passive qui en dit long
La tournure passive est l’arme rhétorique favorite des politiciens et bureaucrates de régimes autoritaires, qui s’en servent pour masquer responsabilités, violences et souffrances. Parler au passif, c’est effacer celui qui agit: «il est décidé» quelque chose, sans que personne n’en porte la responsabilité.
Comme l’avait déjà observé le sociologue Dolf Sternberger dans son célèbre Dictionnaire de l’inhumain, on ne souffre pas non plus à la forme passive. C’est la langue de l’anesthésie morale, l'ennemie de la résistance.
Le plan de paix original apparaît comme une œuvre commune de Poutine et Trump, même si aucun des deux ne l’a reconnu. «It is expected»: ce «il» anonyme attend de l’Ukraine qu’elle accepte les exigences maximales du Kremlin. Elle devrait céder de vastes portions de son territoire à la Russie, réduire drastiquement son armée, renoncer à rejoindre l’Otan et se voir interdire l’accès à toute arme susceptible de menacer Moscou.
Le Guardian relève que plusieurs expressions et tournures du plan américain sont typiquement russes, soit des formulations qu’un Américain n’utiliserait quasiment jamais dans un contexte politique. Le document aurait été élaboré à Miami par Kirill Dmitriev, envoyé spécial de Poutine, et Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Trump.
Une intelligence artificielle soupçonnée
Depuis longtemps, Dmitriev s’active aux Etats-Unis pour présenter à Trump les perspectives économiques prétendument prometteuses d’un rapprochement russo-américain. Et cela semble avoir porté ses fruits: Trump aurait mis Volodymyr Zelensky au pied du mur, exigeant initialement qu’il signe l’accord de paix avant le jeudi suivant.
Entre-temps, les discussions de Genève, menées par le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, ont débouché sur une version nettement plus favorable à l’Ukraine. Reste que son acceptation par Moscou semble, elle, très improbable.
Mais cela ne règle en rien le problème de fond: Trump a présenté un plan de paix qui, dans sa version initiale, paraissait directement dicté par Poutine et traduit en anglais de façon assez maladroite. Il est même tout à fait plausible qu’une intelligence artificielle ait réalisé cette traduction, que Trump a approuvée sans la moindre hésitation.
Cette affaire pointe un problème plus large lié aux traductions automatiques, notamment celles générées par l’IA. Certes, elles permettent de convertir instantanément n’importe quel texte d’une langue à une autre, mais, dans ce cas précis, la traduction a trahi Trump. Elle révèle que son soi-disant plan de paix «américain» provenait, au moins en partie, du Kremlin.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich
