Voici le «scénario cauchemardesque» que les Ukrainiens redoutent
Dans la nuit du 7 au 8 novembre, la Russie a mené l’un de ses raids aériens les plus destructeurs contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes. Parmi les cibles touchées: la centrale thermique de Trypillia, au sud de Kiev, une installation déjà mise à l’arrêt à plusieurs reprises. Les conséquences sont lourdes pour la capitale: selon les nouveaux plans de délestage, les habitants de Kiev subissent désormais sept heures sans électricité par jour, suivies de seulement trois à quatre heures de courant.
La vie à Kiev a radicalement changé ce week-end, même si des restrictions touchaient déjà les activités non essentielles avant cette nouvelle vague d’attaques. Le club de football Obolon, représentant le quartier du même nom au nord-ouest de la ville, a tout de même disputé son match de championnat contre l'équipe de Jytomyr.
Autour du stade, l’obscurité était totale. Seul le terrain était éclairé grâce à des générateurs. Mais même là, la lumière s’est éteinte quelques minutes pendant la mi-temps: le courant venait d’être rétabli dans le quartier, et le passage sur le réseau municipal a pris du temps. Au bord du terrain, Oleksandr, supporter frustré par la lourde défaite 0-4 de son équipe, confie:
Depuis environ un mois, la Russie cible à nouveau systématiquement le réseau énergétique ukrainien. A Kiev, les coupures planifiées font désormais partie du quotidien et les dégâts sont particulièrement graves dans la capitale. D’après les autorités, deux centrales thermiques majeures ont été lourdement endommagées, dont l’une serait dans un «état critique».
Tensions sur la question de la défense aérienne
La destruction partielle des centrales a ravivé les tensions entre Volodymyr Zelensky et le maire de Kiev, Vitali Klitschko. Protéger un site contre un impact direct de missile balistique est pratiquement impossible. Mais, selon le gouvernement, des barrières de béton supplémentaires auraient pu réduire les dégâts causés par les drones. Le bureau présidentiel estime qu’à Kiev, «trop peu a été fait» dans ce domaine. Zelensky, sans nommer directement Klitschko lors d’une conférence de presse, lui a lancé une pique:
Un mois plus tard, tout semble indiquer que Moscou concentre désormais ses attaques sur la capitale. La stratégie russe paraît claire: perturber la vie quotidienne des trois millions d’habitants, plutôt que de paralyser tout le pays.
La capitale reste cependant loin d’un effondrement total, les températures encore douces (autour de 8 à 9°C) jouent en sa faveur. Mais de nombreux foyers restent privés de chaleur, alors que la période de chauffage, repoussée de deux semaines, a officiellement commencé fin octobre. Ivan Plachkov, ancien ministre de l’Energie, explique au média Telegraf:
Mais depuis, les réserves se sont considérablement amenuisées. Les centrales visées fournissaient l’essentiel de l’électricité et du chauffage de la capitale. Les travaux de réparation sur les transformateurs et autres installations sont en cours, mais la marge de sécurité demeure mince. «La situation est tendue», résume l'ancien ministre.
La moitié de la journée sans électricité
D’après la plupart des experts, Kiev pourrait passer jusqu’à la moitié de ses journées sans courant cet hiver, selon la météo. Dans le pire des cas, des coupures prolongées de plusieurs semaines sont envisagées si la Russie maintient l’intensité actuelle de ses attaques.
«Nous avons survécu à l’hiver 2022–2023, en passant parfois 72 heures sans électricité», se souvient Petro Koutcherenko, propriétaire d’une petite chaîne de cafés à Kiev. A l’époque, pas de chauffage, pas d’eau courante, parfois même pas de réseau mobile:
Comme beaucoup d’autres, Maksym Kravets a investi dans une coûteuse génératrice, capable de maintenir sa connexion Internet pendant douze heures. Il affirme avoir conseillé à ses amis d’en faire autant. Beaucoup n’ont pas pris l’avertissement au sérieux, les deux derniers hivers s’étant révélés moins rudes que prévu. Mais désormais, la demande explose… et les prix aussi. «Je suis presque paré pour tout», confie Maksym Kravets.
Reste à voir si la Russie, avec sa guerre de bombardements, est capable d'y parvenir dans les prochaines semaines.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich
