Le 24 février 2022, l'Ukraine se réveillait au son des explosions et des sirènes antiaériennes: les troupes russes marchaient sur le pays. Les médias, watson en tête, ont beaucoup parlé des chars, missiles Himars et Javelin et autres affaires diplomatiques. Mais la guerre, c'est avant tout les gens du quotidien qu'elle touche. Des gens qui, pour beaucoup d'entre eux, ont tout perdu.
Liuba Mirsa est une infirmière et mère de trois enfants, âgée de 29 ans, qui s'est réfugiée en Moldavie au début de l'invasion russe. Mais elle a décidé qu'elle n'irait pas plus loin. Engagée par Helvetas, l'association suisse d'aide au développement, elle aide désormais les autres réfugiés ukrainiens qui fuient leur pays.
Pour watson, elle raconte le quotidien des réfugiés fuyant le pays, comment elle s'informe sur la guerre et si elle compte un jour rentrer chez elle.
Vous vous trouvez en ce moment en Moldavie, mais viviez en Ukraine avant la guerre. Où habitiez-vous ?
Liuba Mirsa: J'habitais à Korosten, une petite ville située à environ 150 kilomètres à l'ouest de Kiev.
Il y a un an, le 24 février 2022, l'armée russe a envahi l'Ukraine. Quel souvenir gardez-vous de cette journée?
Vers 5 ou 6 heures du matin, mon mari a réveillé toute la famille. Il nous a dit:
Nous avons alors rassemblé le strict nécessaire, avec pour objectif de quitter la ville et de nous réfugier temporairement chez les grands-parents de mon mari. Notre région a été l'une des premières à être bombardée.
Pourquoi avez-vous décidé ensuite d'aller en Moldavie?
L'armée russe se rapprochait de plus en plus. Il y avait une base militaire à proximité du village des grands-parents. L'armée russe a encerclé toute la région pour l'attaquer.
Lors de votre fuite, toute la région était envahie de soldats russes. Cela a dû être dangereux, non?
Nous sommes restés aussi discrets que possible pour ne pas être repérés par les Russes...
Y a-t-il eu des obstacles à l'entrée en Moldavie?
Il y avait des bouchons interminables à la frontière. Nous avons donc avons laissé notre voiture et traversé la frontière à pied. De là, nous sommes allés à Palanca, où vivent mes parents. Palanca est le village le plus à l'est de la République de Moldavie et se trouve juste après la frontière.
Votre mari aussi?
Non, il a dû rester en Ukraine. Les hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans n'ont pas le droit de quitter le pays. Je me suis fait beaucoup de souci pour lui. D'ailleurs, son travail a fini par avoir une utilité directe dans la guerre: il avait une entreprise qui produisait des drones avec des caméras.
Comment se passe votre vie en Moldavie?
Nous sommes en sécurité ici, c'est l'essentiel en ce moment. Avant, nous vivions dans une ville, maintenant nous sommes à la campagne. Pour mes enfants, j'essaie autant que possible de garder une certaine routine: nous nous levons ensemble, ensuite ils vont au jardin d'enfants puis à l'école. Pour eux, tout est différent ici. Et ce, même s'ils parlent le roumain, ma langue maternelle.
En Moldavie, vous travaillez pour l'organisation humanitaire suisse Helvetas et vous vous occupez d'autres réfugiés ukrainiens. Que faites-vous exactement?
J'ai commencé à travailler comme coordinatrice quelques jours après mon arrivée. J'accueille les personnes qui traversent la frontière à la gare routière et je leur donne des informations. Je le fournis aussi toutes les aides de première urgence nécessaires. Nous aidons surtout les mères avec leurs enfants et les personnes âgées ou handicapées.
De quoi les réfugiés ont-ils le plus souvent besoin?
D'un endroit pour se reposer et se ressourcer un peu. Nous organisons des transports vers la capitale Chișinău et les hébergeons, au besoin, dans des centres ou au sein de familles d'accueil.
Au final, nous sommes simplement là pour eux s'ils ont besoin de nous.
Les réfugiés dont vous vous occupez aujourd'hui ont-ils des besoins différents de ceux qui ont fui il y a un an?
Oui. Au début, les gens étaient confus. Ils fuyaient le pays sans savoir où aller. Il y avait tant d'incertitudes. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux savent exactement où ils vont. Nous leur préparons donc des informations plus précises. De plus, au début, les gens venaient de toute l'Ukraine. Aujourd'hui ils viennent surtout du centre et de l'est du pays, là où la guerre continue de faire rage.
Quels sont les problèmes principaux auxquels vous devez répondre?
De nombreuses personnes n'ont pas leurs cartes d'identité et leurs passeports avec eux. Ou alors, ils ne savent pas de quelles pièces d'identité, ils ont besoin pour traverser les frontières, ou même pour passer les points de contrôle militaire en Ukraine même.
Y a-t-il des histoires qui vont ont particulièrement touchée?
Bien sûr. Je ne sais pas pourquoi, mais les destins de toutes ces personnes âgées en fuite me touchent beaucoup. Tant de ces personnes ont tout perdu.
Et après toutes ces années de travail, elles doivent à nouveau trouver un moyen de gagner de l'argent, d'une manière ou d'une autre, pour s'en tirer.
Comment vous informez-vous sur la guerre?
C'est difficile. Je n'ai pas de source d'information sûre. Je connais l'histoire des personnes que nous aidons. En dehors de cela, je dois me fier aux médias, mais ils sont en partie contrôlés par l'État. Je pense que personne ne connaît la vérité complète.
Quand la guerre sera terminée, retournerez-vous en Ukraine?
Non. Je veux que mes enfants puissent grandir dans un pays intact. Et il faudra des années pour que l'Ukraine retrouve le niveau qui était le sien avant la guerre.