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Trois scénarios pour la fin de la guerre en Ukraine

Des soldats ukrainiens près de Bakhmout.
Des soldats ukrainiens près de Bakhmout. image: keystone

«La Russie va perdre en octobre»: 3 experts prédisent la fin de la guerre

La fin de la guerre en Ukraine est-elle en vue? Le conflit va-t-il se terminer avec une défaite russe en octobre, comme un expert de l'EPFZ l'a récemment affirmé? Voici trois scénarios.
30.03.2023, 05:5908.05.2023, 10:10
Corsin Manser
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Les déclarations d'un expert de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) sur l'issue de la guerre en Ukraine font beaucoup de bruit ces derniers temps. L'économiste militaire Marcus Keupp affirme que «la Russie aura perdu la guerre en octobre». D'autres experts prévoient un autre déroulement, où une défaite russe ne figure pas encore.

Personne ne peut dire avec certitude quel scénario se réalisera. Mais les réflexions des spécialistes permettent de se faire une idée des développements possibles de la guerre en Ukraine. Nous en avons sélectionné trois.

Marcus Keupp

Prenons d'abord les réflexions de Marcus Keupp. Celui-ci pense que l'Ukraine lancera une offensive avec des chars occidentaux en avril. Il déclare à la Neue Zürcher Zeitung:

«L'Ukraine va probablement avancer de Zaporijia vers la côte de la mer Noire via Melitopol, divisant ainsi le front en deux. En se déplaçant vers l'ouest, les troupes pourraient alors encercler les formations russes entre Melitopol et Nova Kakhovka. En outre, elles pourraient placer des lance-roquettes Himars sur la côte et ainsi prendre pour cible les installations militaires en Crimée et empêcher la logistique. Et là, la défaite russe se dessinera.»
Marcus Keupp.
Marcus Keupp.image: zvg

Pour l'expert de l'EPFZ, la Russie sera à court de chars dans les prochains mois.

«Il existe de bonnes estimations à ce sujet. De l'agence de défense suédoise FOI par exemple, ou de l'IISS de Londres. Leurs calculs arrivent à environ 2900 chars de combat russes opérationnels. Il faut opposer à cela le taux de perte. Pour cela, je prends le blog Oryx. Là, nous sommes pour l'instant à 1845 chars perdus par la Russie – soit environ 5 par jour de guerre. La réserve restante de 1055 pièces devrait donc suffire pour un maximum de 211 jours de guerre.»

Marcus Keupp ne s'attend pas à ce que la Chine arme la Russie. Il déclare à la NZZ:

«Comment procèderaient-ils? Le matériel de guerre devrait être transporté par train jusqu'au front. Rien que pour une fréquence de tir russe de 50 000 obus d'artillerie par jour le long de tout le front – comme en été 2022 – il faudrait un train de marchandises de 1600 tonnes par jour. Ce serait très difficile d'un point de vue logistique. De plus, ces trains seraient immédiatement repérés sur les photos satellites; on imposerait alors des sanctions à la Chine.»

Les ressources des Russes s'effondreraient de plus en plus, tandis que les Ukrainiens recevraient un «boost technologique» grâce à l'Occident, estime Keupp. «Dès lors, il n'y a pas d'autre issue possible qu'une défaite russe.»

Stephen Kotkin

Stephen Kotkin a une autre vision de l'évolution de la guerre. L'historien travaille à l'université de Stanford et a écrit une biographie en trois parties sur Joseph Staline. Contrairement à Keupp, il pense que c'est surtout l'Ukraine qui est confrontée à un problème de ressources. Dans une interview avec le New Yorker, il déclare:

«En période de pointe, les Ukrainiens tiraient et consommaient jusqu'à 90 000 obus d'artillerie par mois. La production mensuelle d'obus d'artillerie aux Etats-Unis est de 15 000. Si l'on ajoute tous nos alliés, tous ceux qui soutiennent l'Ukraine, on arrive à 15 000 de plus – en prenant les estimations les plus élevées. 30 000 obus d'artillerie sont donc fournis chaque mois à l'Ukraine, qui en utilise le triple. Et nous n'avons pas augmenté la production. Nous ne faisons que réduire les stocks. En fait, nous sommes à sec.»

Les Etats-Unis sont censés livrer des armes à Taïwan, explique Kotkin. Ils ont déjà quatre ans de retard. Mais les armes vont désormais en Ukraine.

«La Russie peut produire environ soixante missiles par mois sous les sanctions. C'est sans compter le matériel racheté à l'Afrique, que la Russie lui avait vendu précédemment. Ou ce qu'elle essaie d'obtenir en faisant des affaires avec la Corée du Nord ou l'Iran. L'arsenal soviétique est le plus grand jamais assemblé; une grande part a disparu, mais pas tout. Une partie de la production fonctionne encore, pas autant que la Russie le souhaiterait, mais suffisamment pour persévérer. Toujours selon la stratégie: "si je ne peux pas avoir l'Ukraine, personne ne l'aura."»

De plus, les pertes humaines n'affectent pas les dirigeants russes, selon Stephen Kotkin. Le régime de Poutine n'accorde aucune valeur à la vie humaine.

«Si les dirigeants russes jettent 20 000 recrues non formées sur le front et que les trois quarts meurent, que font-ils? Ils ne vont pas à l'église demander le pardon. Ils recommencent, tout simplement. Ils jettent leurs citoyens dans un hachoir à viande, par milliers. Comme le faisait Staline.»

Kotkin pense donc qu'il pourrait y avoir une issue dans laquelle l'Ukraine ne reprendrait qu'une partie du pays. Dans les zones contestées, il pourrait y avoir une zone démilitarisée comme en Corée. Malgré la perte de territoire, cela pourrait être une bonne solution pour l'Ukraine, selon le professeur américain.

«Et si l'Ukraine, quelle que soit sa part, peut ensuite prospérer en tant que membre de l'Union européenne et bénéficier d'une sorte de garantie de sécurité, alors ce serait une victoire dans cette guerre.»

Lucio Caracciolo

L'analyste italien Lucio Caracciolo prévoit peut-être le scénario le plus sombre. «Cette guerre durera indéfiniment, avec de longues pauses de trêves», dit l'éditeur du magazine géopolitique Limes. «Elle ne s'arrêtera que lorsque l'Ukraine ou la Russie – ou les deux – s'effondreront, car c'est une question de vie ou de mort pour les deux parties.»

La guerre en Ukraine fait partie d'une compétition mondiale entre les Etats-Unis, la Chine et la Russie, selon Caracciolo. Il s'agit de savoir qui dirigera le monde dans un avenir proche. La visite de Xi Jinping à Moscou a été perçue comme un signe adressé à l'Occident, dit-il dans une interview avec Il Riformista.

«Il est dans l'intérêt de Xi Jinping de former une alliance russo-chinoise, dans lequel la Chine domine et la Russie, en tant que partenaire junior, prend la tête du monde non occidental. En théorie, il s'agit d'un monde clairement dominant, même si ce n'est que d'un point de vue démographique, puisque les Occidentaux ne représentent qu'un peu plus d'un milliard de personnes sur plus de huit milliards.»

Il n'y a pas pour autant un bloc de 7 milliards de personnes qui soutiennent la Russie et la Chine, dit Caracciolo. Néanmoins, l'Occident se trouve face à «un choix du diable»:

«Une guerre totale – donc nucléaire – contre la Russie ou l'abandon progressif de Kiev à son sort. Une confrontation directe avec Moscou, à laquelle participerait probablement aussi la Chine, serait la troisième guerre mondiale. Il est peu probable qu'il y ait un vainqueur.»
Voici le Challenger 2, le char anglais envoyé en Ukraine
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source: uk ministry of defence
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Zelensky est en colère contre l'Occident
Pour Volodymyr Zelensky, c'est certain: les victimes du bombardement de la ville ukrainienne de Tchernihiv auraient pu être évitées si l'Occident avait fourni des défenses aériennes à Kiev. Il demande que son pays reçoive le même genre d'armement qu'Israël lors de l'attaque de missiles par l'Iran.

Les tirs ont eu lieu tôt mercredi matin: trois missiles russes sont tombés près du centre de Tchernihiv, dans le nord de l'Ukraine. Un immeuble de plusieurs étages a été gravement endommagé. L'université et un hôpital ont également été touchés. L'après-midi, on dénombrait 14 morts et plus de 60 blessés, un bilan qui devrait encore s'alourdir. Les autorités locales ont indiqué qu'elles continuaient à rechercher des personnes ensevelies sous les décombres.

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