Que faire de Viktor Orbán? Cette question commence à rendre les chefs d'Etat européens fous. Alors que les gouvernements de l'Union européenne (UE) veulent continuer à soutenir activement l'Ukraine dans sa troisième année de lutte contre la Russie, le Premier ministre hongrois s'oppose envers et contre tout.
Concrètement, le Hongrois bloque de son veto un paquet d'aide de 50 milliards d'euros. L'Ukraine a un besoin urgent de cet argent pour pouvoir payer les retraites et les salaires des fonctionnaires. La proximité de Viktor Orbán avec Vladimir Poutine est régulièrement questionnée. Il faut dire que le président hongrois continue de faire des affaires avec des entreprises énergétiques russes.
A Bruxelles, on réfléchit depuis plusieurs jours à la manière dont on pourrait faire plier Orbán. Jeudi, une réunion entre chefs d'Etat à Bruxelles doit avoir lieu et les choses pourraient bien bouger. Et il est clair que la manœuvre peu conventionnelle qui a permis de trouver un accord, en décembre dernier, après des heures de discussion ne pourra pas être répétée.
Pour rappel, les chefs d'Etat avaient profité d'une absence de Viktor Orbán hors de la salle pour prendre une décision importante concernant l'Ukraine. Cette fois-ci, il n'ira certainement pas prendre une pause-café ou toilettes (les récits divergent sur la raison qui l'a poussé à sortir de la salle) au mauvais moment.
Une idée particulièrement radicale a été lancée ce week-end, comme le révèle le Financial Times. Selon le journal, un plan est en cours de préparation par le Conseil de l'UE et prévoit de cibler le talon d'Achille de la Hongrie: son économie chancelante. D'une part, celle-ci dépend des milliards d'aides en provenance de Bruxelles et, d'autre part, des investissements directs de l'étranger. La monnaie, le forint hongrois, est au plus bas. L'inflation est élevée, tout comme le déficit budgétaire.
Dans ce document, il est indiqué que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE pourraient, au cas où Viktor Orbán ne renoncerait pas à son veto, déclarer publiquement qu'un nouveau versement de fonds européens à la Hongrie n'aurait pas lieu dans un avenir proche. Dans ce scénario, une perte de confiance aurait lieu sur les marchés financiers internationaux. La monnaie s'effondrerait et les taux d'intérêt sur la dette publique s'envoleraient.
Viktor Orbán aurait alors soudainement un gros problème. Car tout gouvernement, aussi fort soit-il, est impuissant contre l'instinct grégaire des investisseurs. La Grèce, par exemple, n'a pas eu d'autre choix que d'accepter les douloureux plans de réforme de l'UE afin de sortir de la ligne de mire des spéculateurs pendant la crise de la dette, et ce malgré une résistance acharnée.
Bruxelles a confirmé l'existence de ce document, mais on tente d'en minimiser l'importance. Il faut dire qu'un tel plan a des allures de «bouton nucléaire». Selon les diplomates de l'UE, il s'agirait d'un document officiel purement descriptif sur l'état de l'économie hongroise. Il n'y aurait pas de «plan secret» contre la Hongrie. Le flou est compréhensible: ce serait une première que l'UE vise délibérément la stabilité financière de l'un de ses membres.
Ce n'est toutefois pas un hasard si le Financial Times vient de publier cette révélation. S'il est difficile d'imaginer que le plan sera un jour réellement mis en œuvre, il montre à quel point l'UE est frustrée par l'attitude de Budapest.
Quant à la réaction de la Hongrie face à cette révélation, elle ne s'est pas faite attendre: Viktor Orbán a déclaré que le plan semble tout droit sorti du «manuel d'un maître chanteur» et ne serait pas inhabituel pour Bruxelles. Si ce blocus financier devait un jour être appliqué, il s'agirait d'un «Armageddon» économique pour le pays, a déploré le président hongrois. Dans la foulée, aurait-il décidé de changer d'avis sur l'Ukraine? Que nenni.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci