Nicolas Maduro a été officiellement proclamé président du Venezuela par le Conseil national électoral (CNE). «Les Vénézuéliens ont exprimé leur volonté absolue en élisant Nicolas Maduro pour la période 2025-2031», a déclaré son président, Elvis Amoroso.
Comme un symbole de l'incertitude qui règne, la capitale Caracas avait des airs de ville morte lundi matin avec des rues désertes et des commerces fermés. Dans certains quartiers, on pouvait entendre un concert de casseroles en signe de contestation tandis que l'opposition doit décider de sa stratégie.
Lors de son discours, évoquant les réactions de l'opposition et de la communauté internationale, Nicolas Maduro a dénoncé une tentative d'imposer un «coup d'État fasciste et contre-révolutionnaire au Venezuela».
Le Centre Carter, un des rares observateurs indépendants présents, a appelé le CNE à publier les résultats du scrutin de dimanche dans chaque bureau de vote.
La veille, Elvis Amoroso avait dénoncé une «agression contre le système de transmission des données qui a retardé» le décompte. Ces décomptes par bureaux de vote que réclame l'opposition ne sont pas encore disponibles. Lundi, le parquet a ouvert une enquête, évoquant l'implication de la cheffe de l'opposition Maria Corina Machado dans ce «piratage».
Selon les résultats du CNE, Nicolas Maduro, 61 ans, l'héritier de l'ancien président Hugo Chavez (1999-2013), a été réélu pour un troisième mandat consécutif de six ans avec 5,15 millions de voix (51,2%). Le candidat de l'opposition, Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, qui avait remplacé au pied levé Maria Corina Machado, déclarée inéligible, en a recueilli un peu moins de 4,5 millions (44,2%).
L'opposition, qui espérait mettre fin à 25 années de pouvoir chaviste, a aussitôt rejeté ce résultat. Maria Corina Machado, pour qui Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu 70% des suffrages, a dénoncé «la violation grossière de la volonté populaire».
Si Nicolas Maduro a reçu le soutien de la Russie et de la Chine ainsi que de ses autres alliés habituels -Cuba, Nicaragua, Honduras et Bolivie-, les réactions négatives ou sceptiques ont afflué de la communauté internationale. Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Équateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont ainsi appelé lundi dans une déclaration commune à un «réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants».
Le gouvernement brésilien a «réaffirmé» «le principe fondamental de la souveraineté populaire» et demandé «la vérification impartiale des résultats». Par le passé, le président brésilien Lula a longtemps défendu son homologue vénézuélien face aux critiques internationales. Mais Brasilia avait durci le ton à l'approche de la présidentielle.
Luis Gilberto Murillo, le ministre des Affaires étrangères de Colombie, dirigée par le président de gauche Gustavo Petro, a demandé «un décompte total des voix, sa vérification et un audit indépendant» car il est «important de dissiper les doutes sur les résultats».
Du côté du reste de l'Occident, les Etats-Unis ont affirmé «sérieusement craindre que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien». La France a quant à elle appelé les autorités vénézuéliennes à faire preuve de «transparence totale» en publiant l'intégralité des procès-verbaux et des résultats, ce que réclame aussi l'opposition.
Tout comme le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, qui a prôné sur X une «transparence totale, y compris le décompte détaillé des voix».
«Ce n'est pas le résultat idéal pour Maduro», a estimé Rebecca Hanson, de l'Université de Floride. «En termes d'acquisition d'une certaine légitimité internationale -ce qui était un objectif de M. Maduro-, cette élection a été un désastre».
Dimanche soir, Nicolas Maduro a pour sa part fêté sa victoire sur une scène musicale montée près du Palais présidentiel. «Il y aura la paix, la stabilité et la justice. La paix et le respect de la loi. Je suis un homme de paix et de dialogue», a-t-il dit, alors que la campagne et le scrutin se sont déroulés dans une ambiance tendue, l'opposition dénonçant de nombreuses intimidations et arrestations. Caracas avait limité la possibilité d'observer le déroulement du scrutin.
Le Venezuela, longtemps un des plus riches pays d'Amérique latine, est exsangue: effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté, systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Sept millions de Vénézuéliens ont fui leur pays. Le pouvoir accuse le «blocus criminel» d'être à l'origine de tous les maux.
Les Etats-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d'évincer Nicolas Maduro après sa réélection déjà contestée de 2018, un scrutin entaché de fraudes selon l'opposition, qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.
(sda/ats/afp)