La bataille décisive pour Bakhmout, l'ancienne ville de 75 000 habitants dans le Donetsk, fait rage. Selon leurs propres informations, les Ukrainiens ont pu empêcher dimanche l'encerclement total des défenseurs restants. Toutes les autres avancées des troupes russes ont été stoppées, a annoncé l'état-major ukrainien.
Au milieu de ce combat, Evgueni Prigojine, le chef de l'armée privée russe Wagner, porte désormais le prochain coup, mais à son propre camp. Dans une vidéo qu'il a mise en ligne ce week-end sur son canal Telegram, il menace implicitement le ministère russe de la Défense de retirer toutes ses troupes. Avec des conséquences fatales, et pas seulement pour la situation à Bakhmout:
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Le chef du groupe Wagner prédit au Kremlin que la défaite ne serait pas loin, dans une phrase qui se veut historique.
Selon Evgueni Prigojine, les mercenaires Wagner n'ont pas seulement été le «ciment» qui a empêché la percée des Ukrainiens. Les troupes régulières russes auraient également été obligées de suivre les attaques de Wagner pour ne pas perdre la face et mettre leur réputation en jeu.
De telles menaces et attaques de la part du chef de Wagner ne sont pas nouvelles, mais elles indiquent clairement une brouille de plus en plus profonde entre l'armée de mercenaires et les forces armées russes officielles. Le moment de la publication de la vidéo, soit peu avant l'évacuation de Bakhmout par les défenseurs ukrainiens, plaide également en ce sens.
Les mercenaires de Prigojine se sont régulièrement plaints du mauvais approvisionnement en munitions et autres matériels. Le patron de Wagner, lui-même, ne peut plus remplir ses rangs, vidés peu à peu des détenus russes qui sont aujourd'hui recrutés par l'armée officielle de Poutine.
En outre, il y a manifestement des problèmes liés à la rémunération que le chef de Wagner attend de l'Etat russe.
On ne sait pas pour l'instant si la vidéo menaçante du chef du groupe Wagner aura du succès ou s'il s'agit plutôt d’un aveu de faiblesse momentanée. Ce qui est sûr, c'est que le chef de Wagner a attisé le conflit avec le Kremlin.
L'ancien colonel des services secrets et leader séparatiste Igor Girkin a rétorqué sur Telegram que la vidéo de Prigojine avait déjà été enregistrée il y a deux semaines, au plus fort de la crise des munitions russes. Son contenu serait, selon lui, «comme à son habitude, une autopromotion éhontée et criminelle».
D'après lui, malgré la capacité des mercenaires de Wagner, leur patron surestime leur importance stratégique. Si les mercenaires de Wagner étaient effectivement retirés du front, la situation de l'armée russe se dégraderait certes, mais «seulement de manière insignifiante», ajoute Igor Girkin.
La réaction du chef de Wagner ne s'est pas fait attendre:
Cette bataille de cour de récréation pourrait prendre prochainement une tournure politique. En effet, fin janvier, le chef de Wagner a demandé dans une lettre au président de la Douma (parlement russe), Viacheslav Volodin, que la critique publique des troupes de Wagner soit sévèrement punie. Juridiquement, il s'agissait d'étendre et de renforcer une loi existante qui interdit de manière générale la critique des forces armées russes.
Après que Volodine a annoncé en février l'adoption du renforcement de la loi, le chef de Wagner a visiblement commencé à douter de sa démarche. Il a donc demandé, dans une deuxième lettre adressée à Volodine le 1er mars, que les chefs militaires supérieurs et les employés en chef dans le domaine de la défense soient exclus de cette loi.
Sinon, il serait impossible d'émettre des critiques constructives sur la conduite de la guerre russe «dans un souci de transparence». Parmi les chefs militaires supérieurs, Evegeni Prigojine inclut — qui s'en étonne? — explicitement la direction d'unités de mercenaires comme Wagner.